Célébrons les héros de l’ombre de nos collectivités

Diversité et inclusion
Présence communautaire

La Bhayana Family Foundation s’associe à Centraide à travers le Canada afin de combler le déficit de reconnaissance du secteur des services sociaux.

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Avertissement préventif : le présent article fait mention du suicide.

Ils viennent de tous horizons et de différentes régions du monde. Ils emportent avec eux une riche mosaïque d’expériences personnelles et ils poursuivent tous le même objectif : améliorer la vie des membres de leur collectivité, et notamment des personnes vulnérables et marginalisées.

Il s’agit de professionnels des services sociaux, dont le dévouement sans faille transforme des vies. Il y a plus de 10 ans, un couple marié formé de Raksha M. Bhayana et de Madan M. Bhayana a créé une fondation familiale dans le but exprès de remercier ces héros méconnus.

Lorsque Raksha est arrivée au Canada, en provenance de New Delhi, elle a entrepris sa carrière en tant que thérapeute intervenant auprès d’enfants qui éprouvaient de graves difficultés à l’école, à la maison et dans la communauté. Il s’agissait là d’un travail stressant auquel était associé un prix énorme.

Bhayana Family Foundation award recipient and presenter

« Nous avons été confrontés à de multiples pressions qui ont eu des conséquences puisqu’elles ne cessaient de mettre à mal nos émotions », affirme Raksha. Cependant, comme elle l’explique, ceux qui ne travaillaient pas dans ce domaine n’avaient absolument aucune idée de cette réalité.

Ce sont ces premières expériences qui ont jeté les bases de ce qui est finalement devenu la Bhayana Family Foundation. La mission de la Fondation, en partenariat avec Centraide Canada, consiste à reconnaître l’excellence dans le secteur des services sociaux à but non lucratif et à rendre hommage aux dirigeants et aux travailleurs de première ligne, sans qui de nombreux programmes communautaires essentiels ne pourraient exister.

Fondée en 2006, la Fondation a permis de rendre hommage pour leur leadership et leur sens de l’innovation, à près de 1 000 professionnels dévoués du domaine des services sociaux. Si des prix sont donnés dans tous les autres champs professionnels, Raksha souligne que l’apport des travailleurs sociaux professionnels de première ligne passe généralement sous silence.

Comme le souligne Raksha : « Ils s’emploient pratiquement quotidiennement à aller au-delà de ce à quoi l’on s’attend de leur part. Lorsque certaines de ces personnes voient leurs efforts reconnus, elles fondent en larmes puisque jamais cela ne leur est-il arrivé auparavant. » Raksha espère étendre la portée de son programme et parvenir éventuellement à créer une journée nationale de reconnaissance pour le secteur.

D’un océan à l’autre, des professionnelles comme Bev Cadham, codirectrice générale de la succursale Halifax-Dartmouth de l’Association canadienne pour la santé mentale (ACSM), Maryamm Himid, ex‑coordonnatrice du Parkdale Activity-Recreation Centre (PARC) de Toronto, et Kimberly Barwich, directrice des Programmes communautaires auprès de Burnaby Neighbourhood House en Colombie-Britannique, sont reconnues pour leurs décennies de travail inlassable.

« Il m’arrive parfois d’avoir simplement besoin d’un sursis. »

Bev Cadham affirme être à la fois touchée et honorée de se voir décerner un prix assorti d’une valeur de 1 000 $ de la Fondation.

« En soi, le prix vise l’aspect communautaire. Rares sont les prix qui s’intéressent à ce volet et à l’impact considérable qu’il a », affirme Bev Cadham.

L’ACSM, où travaille Bev Cadham, offre des programmes de soutien social aux adultes marginalisés, dont beaucoup sont contraints de vivre avec des problèmes de santé mentale. À la succursale Halifax-Dartmouth, les membres de la collectivité ont accès à une vaste gamme de services, comme au chapitre de l’aide alimentaire et de la sécurité, de même que des besoins en matière de transport et de logement. La succursale propose également des programmes de soutien social informels pour les adultes socialement isolés vivant avec une maladie mentale, ainsi qu’un club social pour les adultes souffrant de maladie mentale.

Il n’est pas simple de maintenir en place des programmes tout en gérant quotidiennement une organisation sans but lucratif. Bev Cadham est l’une des deux seuls employés à temps plein, qui doivent également recueillir des fonds couvrant environ 40 pour cent du budget de l’organisation. Du reste, cette quête de financement ne s’arrête jamais. En effet, la plupart des subventions sont limitées, réservées à des utilisations spécifiques en matière de programmes et ne sont pas destinées à couvrir les coûts de fonctionnement, en plus d’être assorties d’une date d’expiration. Cela signifie souvent qu’une fois que la subvention parvient à son terme, tel est également le cas du programme qu’elle visait à appuyer.

Comme le souligne Bev Cadham, tous les domaines de la santé mentale et de la toxicomanie souffrent de sous-financement. Elle ajoute également qu’il existe une longue liste d’attente en psychiatrie et pour parvenir à accéder au système de santé officiel.

Il s’agit là d’un problème qui a été souligné dans un rapport publié par le Globe and Mail, qui a constaté que la moitié de tous les Canadiens vivent dans des régions où le nombre de psychiatres par personne est inférieur au ratio recommandé par l’Association des psychiatres du Canada. Par ailleurs, près de 2,3 millions de Canadiens n’ont aucun psychiatre permanent.

« Il arrive fréquemment que ce soit en période de crise que les gens finissent par obtenir les services dont ils ont besoin, services qu’ils ne sont pas en mesure d’obtenir sur une base régulière », affirme Bev Cadham.

Elle est particulièrement bien placée pour connaître l’importance de l’accès à l’aide : son fils Shaymus Cadham-Higgins s’est suicidé en 2017.

Shaymus avait des difficultés d’apprentissage, qui se sont manifestées très tôt dans sa vie. Il souffrait aussi d’anxiété sévère, qui s’est aggravée avec l’âge, et d’un TDAH qui ne fut diagnostiqué que bien plus tard dans sa vie. S’il travaillait de manière acharnée, comme le souligne Bev Cadham, l’école représentait parfois un défi colossal pour lui. Malgré tout, il est parvenu à obtenir son diplôme grâce au soutien de l’« extraordinaire » corps professoral du Nova Scotia Community College et des nombreux systèmes de soutien en place.

Bien qu’il profitait d’un certain suivi, il lui arrivait de ne pas assister à assister à ses rendez-vous, malgré qu’il eût multiplié les efforts en ce sens. Il demeurait également sur une liste d’attente en vue d’obtenir de l’aide du système public de santé.

Arriva cependant un jour où il en eut assez. Et Bev Cadham d’ajouter : « Est survenu un moment où je pense qu’il décida qu’il ne souhaitait tout simplement plus se battre. C’était tout simplement trop épuisant. »

Aujourd’hui, Bev Cadham s’est donné pour mission de se sensibiliser à l’importance de s’occuper de sa santé mentale. Elle souhaite envoyer un message aux personnes en difficulté en insistant sur la nécessité que personne ne devrait avoir à souffrir seul. Elle se servira de l’argent reçu de la Fondation pour créer en l’honneur de son fils une bourse qui mettra l’accent sur les jeunes comme Shaymus qui sont aux prises avec des problèmes de santé mentale et qui souhaitent retourner à l’école.

Les bénéficiaires pourront se servir de l’argent pour se procurer les services dont ils ont besoin pour relever les défis émotionnels et scolaires auxquels ils sont confrontés, comme des conseils ou le soutien d’un accompagnateur personnel.

« Il me guide désormais d’une autre façon depuis son départ », conclut Bev Cadham.

« Nous partageons leurs peines et leurs joies. »

Maryamm Himid est elle aussi lauréate d’un prix de leadership de la Bhayana Family Foundation. Ex‑coordonnatrice de programmes auprès du PARC de Toronto, elle et une petite équipe travaillent avec des réfugiés, des nouveaux arrivants et des sans-abri, dont plusieurs sont également socialement isolés et/ou en mauvaise santé. Ils proviennent de régions aussi lointaines que le Tibet et l’Asie du Sud, ou d’aussi près que de communautés autochtones voisines.

Les membres du personnel les accompagnent à leurs rendez-vous en santé mentale et à la pharmacie, en plus de les aider fréquemment à ouvrir un compte bancaire. Ils mettent ces personnes en contact avec des banques alimentaires et des programmes de sensibilisation et il leur arrive fréquemment de dépenser leur propre argent pour aider leurs clients.

Il existe une foule de processus que les gens ne savent pas gérer, notamment s’il s’agit de nouveaux arrivants, souligne Maryamm Himid. Lorsque les patients se rendent seuls à leurs rendez-vous, ils peuvent également être confrontés à des préjugés et à du harcèlement, ajoute-t-elle. Aider les clients à surmonter les obstacles associés au système représente donc une fonction essentielle de l’ex‑équipe de Maryamm Himid.

Cependant, comme l’organisme ne compte qu’une demi-douzaine d’employés, le travail est dantesque.

« Nos travailleurs ne se contentent pas d’accompagner les gens. Nous effectuons également un suivi et nous leur rendons visite lorsque cela est possible. Nous leur apportons du café, du thé, nous nous assoyons et nous discutons avec eux », affirme Maryamm Himid, ajoutant qu’il arrive parfois aux membres du personnel de remettre des vêtements aux nouveaux arrivants lorsqu’il fait froid.

« Nous travaillons avec des gens qui ont connu de très nombreuses épreuves. Nous partageons leurs peines et leurs joies. »

Le pouvoir des gens peut dynamiser une collectivité entière

Kimberly Barwich s’est lancée dans le domaine du travail social par hasard, après qu’une occasion de travailler auprès d’enfants dans le cadre d’un programme de leadership pour débutants s’est présentée à elle alors qu’elle était dans la vingtaine. Elle fut étonnée de voir à quel point elle appréciait ce travail et affirme qu’il a réorienté sa trajectoire professionnelle au profit de quelque chose qui était significatif.

Depuis plus de 20 ans, Kimberly Barwich s’emploie à créer une communauté, programme par programme, à Burnaby, en Colombie-Britannique. Devenue première employée du groupe Burnaby Neighbourhood House, elle a transformé l’organisation en un vaste centre communautaire comptant 110 employés à temps plein et à temps partiel et quelque 800 bénévoles.

Sous la direction de Kimberly Barwich, l’organisme offre des programmes parascolaires et familiaux, des garderies, des programmes d’alphabétisation et de numératie, des cours de leadership destinés aux jeunes, des programmes de sensibilisation destinés aux personnes âgées et des cuisines communautaires.

Comme le souligne Kimberly Barwich, lauréate du prix de leadership de la Fondation : « Notre mission est de faire en sorte que nos quartiers soient de meilleurs endroits pour vivre et travailler grâce au pouvoir des gens. La démarche consiste dans une large mesure à veiller à ce que les membres de la communauté se rassemblent, à déterminer la nature des besoins et à donner en retour. »

Comme elle le souligne, le fait d’observer les bénévoles trouver un endroit où ils peuvent donner à leur tour est « incroyable ».

Mais rien de tout cela ne serait possible sans les efforts constants déployés par Kimberly Barwich et les membres de son équipe pour trouver du financement et des commanditaires. « Il est difficile d’avoir sans cesse à justifier le travail et à en démontrer l’importance. Notre filet de sécurité sociale n’est ni suffisamment solide, ni suffisamment vaste ou complet », affirme-t-elle.

Pour elle, les partenariats avec les commanditaires et d’autres organisations sont essentiels à leur travail : « Nous ne pouvons y parvenir sans compter sur le soutien des autres. »

C’est aussi la raison pourquoi il est si important pour Raksha de reconnaître le travail accompli dans le secteur : « Ils offrent quelque chose qui va bien au-delà de l’argent. Ils aident les gens à transformer leur vie. Telle est leur véritable raison d’être. »

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