Nous examinons comment l’ampleur de l’épidémie évolue et dans quelle mesure le coronavirus pourrait saper la croissance des économies.
Eric Lascelles Économiste en chef
Le coronavirus (COVID-19) inquiète de nouveau les marchés financiers, alors que la diminution apparente des risques en Chine les incite à déplacer leur attention vers les risques qui augmentent rapidement à l’extérieur du pays, notamment au sein d’autres grandes économies.
En Chine, le nombre de nouveaux cas de COVID-19 par jour a chuté pour s’établir à tout juste 579 le 1er mars, soit presque sept fois moins que le sommet atteint le 5 février. Le taux de croissance quotidien a ainsi fléchi à seulement 0,7 % (le sommet, un taux colossal de 85 %, ayant été atteint à la fin de janvier).
En fait, en chiffres nets, il y a maintenant plus de Chinois qui sont déclarés chaque jour libérés de la maladie qu’il n’y en a qui la contractent. Selon les dernières données, 29 provinces et autres régions administratives chinoises, dont Shanghai, ont indiqué n’avoir constaté aucun nouveau cas. Le président Xi Jinping a d’ailleurs appelé à une reprise de l’activité économique. Évidemment, il est possible que cette tentative de redémarrage fasse remonter le taux d’infection.
En effet, la croissance à l’extérieur de la Chine est loin d’avoir ralenti. Dans le reste du monde, le nombre de nouveaux cas a bondi récemment ; on en signalait 3 505 pour la période de trois jours terminée le 1er mars. Ces nouveaux cas représentent près de la moitié de l’ensemble des cas confirmés hors de la Chine.
Il faut dire que la maladie a tardé à sortir de la Chine, ce qui expliquerait pourquoi il faut plus de temps pour la contenir ailleurs. De plus, la Chine demeure de loin le plus grand bassin de cas dans le monde. Par contre, la croissance du nombre d’affections en Chine a commencé à s’essouffler après seulement deux semaines, alors que partout ailleurs elle se poursuit sans le moindre signe de ralentissement.
Sources : OMS, RBC Gestion mondiale d’actifs ; données en date du 25 février 2020
Plusieurs pays à l’extérieur de la Chine retiennent tout particulièrement l’attention :
Même si les pays riches ont des systèmes de santé plus solides, leurs populations sont habituellement plus âgées, ce qui est un prédicteur de la sévérité de l’infection. À cet égard, les États-Unis et le Canada sont légèrement avantagés par rapport à l’Europe et au Japon.
Le COVID-19 continue d’évoluer selon nos prévisions initiales. À environ 3,5 %, le taux de létalité demeure faible (2 977 morts sur 87 137 cas confirmés dans le monde). De plus, le virus est extrêmement contagieux, comme en fait foi sa propagation aux autres pays.
La seule surprise au tableau est la grande variabilité du taux de létalité, qui est beaucoup moins élevé à l’extérieur de la province chinoise du Hubei, soit l’épicentre de l’épidémie.
Par ailleurs, le virus fait une discrimination flagrante selon l’âge. Actuellement, son taux de létalité est de 0 % chez les jeunes enfants et d’à peine 0,2 % chez les personnes âgées de dix à 39 ans, mais augmente progressivement à chaque tranche d’âge pour atteindre pas moins de 14,8 % chez les personnes de 80 ans ou plus. Bref, jusqu’à maintenant, chez les personnes dont l’âge est sous la moyenne, le virus ne serait pas plus dangereux qu’une simple grippe. Par contre, il peut être mortel pour les personnes âgées.
Cela dit, un point de comparaison permet de remettre les choses en perspective. Aux États-Unis seulement, on s’attend à environ 18 millions de cas de grippe cet hiver. Même avec un infime taux de létalité, il devrait en résulter 14 000 décès. L’année dernière a été particulièrement meurtrière, avec environ 80 000 décès rien qu’aux États-Unis. Il faudrait que le coronavirus se propage à un rythme fulgurant pour entraîner autant de morts et, pourtant, nous acceptons l’hécatombe annuelle causée par la grippe sans trop faire de bruit.
Malgré le ralentissement de la croissance du nombre de cas en Chine, l’étendue des fermetures d’entreprises a dépassé nos présomptions initiales. Des enquêtes laissent entendre que les entreprises chinoises continuent de fonctionner bien en deçà de leur capacité normale, alors que cinq semaines complètes se sont écoulées depuis que le virus a commencé à entraver considérablement l’activité économique.
Même si nous supposons que les affaires reprendront progressivement au cours des prochaines semaines, on peut difficilement envisager une croissance du PIB de beaucoup supérieure à 5,0 % en Chine pour 2020, soit moins que notre prévision précédente de 5,6 %. Sans le virus, nous nous serions attendus à une croissance annuelle de 5,9 %, ce qui est un peu en deçà du taux de 6,1 % enregistré en 2019.
À un niveau plus détaillé, il nous semble presque certain que la croissance du PIB de la Chine sur trois mois sera sensiblement négative au premier trimestre. Il y a aussi de fortes chances que la croissance du PIB sur douze mois soit temporairement inférieure à zéro au premier trimestre, mais qu’elle rebondisse par la suite. Les données mensuelles de janvier et de février seront sans doute particulièrement exécrables, les ventes de propriétés ayant déjà diminué de plus de 90 %.
Le gouvernement chinois s’est empressé de prendre des mesures de relance monétaire et d’amélioration de la croissance du crédit. Le soupçon d’incertitude dans nos hypothèses s’explique notamment par le fait que le gouvernement chinois ne révèle peut-être pas l’ampleur réelle de la faiblesse économique.
La Chine subira la majeure partie des répercussions économiques ; le reste de l’Asie sera également touché. Toutefois, les perturbations causées par l’épidémie freineront aussi la croissance mondiale.
Nous avons retranché au total 0,4 point de pourcentage à nos prévisions de croissance mondiale (0,2 point de pourcentage de plus que notre estimation précédente). La croissance mondiale devrait donc s’établir à seulement 2,9 % en 2020.
Le pire scénario serait un va-et-vient du COVID-19 entre divers pays, ce qui obligerait les sociétés à procéder à des fermetures qui nuiraient aux chaînes logistiques de presque partout dans le monde. De telles répercussions sont improbables, selon nous, mais les prochaines semaines nous en diront long à ce sujet et le confinement n’est pas une mince tâche.
Plusieurs facteurs sont susceptibles de mener à l’endiguement du virus : le redoux printanier qui freinera naturellement la maladie, des taux de létalité possiblement plus faibles dans les pays développés qui le relégueront au rang de super grippe, ou l’éventuelle mise au point d’un vaccin.
Note: La pointe du 17 février 2020 est attribuable à une modification de la méthode de déclaration. Sources : OMS, RBC Gestion mondiale d’actifs ; données en date du 25 février 2020
Eric Lascelles est économiste en chef à RBC Gestion mondiale d’actifs Inc. Il met à jour les prévisions de la société pour l’économie mondiale et conseille ses gestionnaires de portefeuille à propos des thèmes et des risques principaux. Par ailleurs, il livre fréquemment dans les médias des commentaires sur les tendances économiques et financières à l’échelle mondiale, notamment sur les réseaux CNBC et Bloomberg.
Déclaration sur les analystes qui ne sont pas américains : Eric Lascelles, un employé de RBC Gestion mondiale d’actifs Inc., une société étrangère affiliée de RBC Gestion de patrimoine - États-Unis, a participé à la préparation de cette publication. Cet individu n'est ni inscrite ni qualifiée en tant qu'analyste de recherche auprès de l’organisme américain Financial Industry Regulatory Authority (« FINRA ») et, comme il n’est pas associé à RBC Gestion de patrimoine, pourrait ne pas être assujettie au règlement 2241 du FINRA régissant les communications avec les entreprises visées, les apparitions publiques et les opérations sur valeurs mobilières dans les comptes des analystes de recherche.
RBC Gestion de patrimoine est une division opérationnelle de Banque Royale du Canada. Veuillez cliquer sur le lien « Conditions d’utilisation » qui figure au bas de cette page pour obtenir plus d’information sur les entités qui sont des sociétés membres de RBC Gestion de patrimoine. Nous n’approuvons ni ne recommandons le contenu de cette publication, qui est fourni à titre d’information seulement et ne vise pas à donner des conseils.
® / MC Marque(s) de commerce de Banque Royale du Canada utilisée(s) sous licence. © Banque Royale du Canada 2025. Tous droits réservés.
Nous voulons discuter de votre avenir financier.