Les actions de sociétés à petite capitalisation continueront-elles sur leur lancée ?

Analyse
Perspectives

Après une forte remontée à la fin de 2023, les actions de sociétés américaines à petite capitalisation ont cédé une grande partie de leurs gains. Nous cherchons à savoir si cette catégorie d’actif justifie la patience des investisseurs.

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18 janvier 2024

Kelly Bogdanova
Vice-présidente et analyste de portefeuille
Services-conseils en gestion de portefeuille – États-Unis

Après avoir franchi la ligne d’arrivée de 2023 comme l’un des segments les plus performants du marché boursier américain, les indices des actions à petite capitalisation ont entamé la nouvelle année à la traîne.

Les indices S&P 600 des sociétés à petite capitalisation et Russell 2000 – les deux principaux indices de sociétés à petite capitalisation – ont bondi de 23 3 % et de 23 8 % respectivement entre la fin octobre et le 31 décembre 2023. Cette situation faisait suite à une longue période de rendements décevants et de contre-performance par rapport aux indices des titres à grande capitalisation, comme le S&P 500 et le Russell 3000.

Au cours de la remontée, les investisseurs ont déversé leur argent dans les petites capitalisations et les gestionnaires d’actifs se sont rués sur le segment, selon les données sur les flux de capitaux et le positionnement. Les investisseurs institutionnels sont rapidement passés du pessimisme à l’optimisme.

Selon Lori Calvasina, chef, Stratégie sur actions américaines, RBC Capital Markets, LLC, « en décembre, tous ceux que nous avons rencontrés, y compris les nombreux investisseurs qui ne se concentrent pas sur les petites capitalisations, voulaient parler de petites capitalisations et étaient optimistes à leur égard. Nous ne nous souvenons pas de la dernière fois où cela s’est produit. » Cela nous paraît important, car Mme Calvasina était une experte des actions à petite capitalisation plus tôt dans sa carrière.

Toutefois, au cours des trois premières semaines de janvier, les actions à petite capitalisation ont rapidement cédé environ le tiers de leurs gains de fin 2023 et inscrit un rendement inférieur à celui de l’indice S&P 500, soulevant la question de savoir si ce segment peut garder son attrait.

Bien qu’il soit normal que les composantes du marché qui se sont fortement redressées rendent au moins une partie de leurs gains peu de temps après, ce récent repli nous incite à croire qu’il faut faire preuve de patience à l’égard du volet des petites capitalisations des portefeuilles. Nous estimons qu’il y aura sans doute d’autres mouvements à la hausse et à la baisse.

Les valorisations des actions de sociétés à petite sont nettement inférieures à celles des actions de société à grande capitalisation

Ratio cours/bénéfice des 12 derniers mois de l’indice S&P 600 des sociétés à petite capitalisation par rapport à celui de l’indice S&P 500 (C/B SML/SPX)

Ratio cours/bénéfice des 12 derniers mois de l’indice S&P 600 des sociétés à petite capitalisation par rapport à celui de l’indice S&P 500

Le graphique linéaire montre le ratio cours/bénéfice des 12 derniers mois de l’indice S&P 600 des sociétés à petite capitalisation par rapport à celui de l’indice S&P 500 (ratio C/B du SML divisé par le ratio C/B du SPX), et ce, depuis 2004, ainsi que le ratio moyen. Le ratio moyen est de 1 32x. Au début de 2024, le ratio a augmenté à environ 1 6. Il a ensuite rapidement baissé pour se situer entre 1 1 et 1 3 et est demeuré dans cette fourchette pendant la majeure partie de 2009. Au milieu de 2009, il a commencé à grimper et a atteint un sommet de 2 1 en avril 2010. Par la suite, il a reculé progressivement, glissant juste en deçà de 1 0 jusqu’en avril 2020. Puis, il a rebondi à près de 2 0 en janvier 2021. À partir de là, il a chuté brusquement pour tomber à un niveau inférieur à 0 9 en septembre 2021.

Sources : RBC Gestion de patrimoine, Bloomberg; données mensuelles jusqu’au 17 janvier 2024

Les actions de sociétés à petite capitalisation possèdent des caractéristiques prometteuses

  • Les valorisations sont intéressantes. Comme l’illustre le graphique de la page 1, l’indice S&P 600 des sociétés à petite capitalisation se négocie près de son creux des 20 dernières années par rapport au S&P 500 sur la base du ratio C/B sur 12 mois. L’indice des petites capitalisations se négocie également à un escompte relatif appréciable lorsque les prévisions de bénéfices sont prises en compte, et ses ratios C/B actuel et prévisionnel sont inférieurs à leur moyenne historique. Selon les ratios cours/chiffre d’affaires, qui nous semblent plus importants pour les petites capitalisations, nous estimons que les deux indices sont raisonnables, puisqu’ils frôlent leur moyenne à long terme
  • Les petites capitalisations se portent généralement bien durant les cycles d’assouplissement de la Réserve fédérale américaine (Fed). Depuis la fin des années 1970, les actions à petite capitalisation ont eu tendance à se négocier à la hausse lorsque la Fed a abaissé son taux directeur et ont éprouvé des difficultés la plupart du temps lorsque les taux ont monté, selon les travaux de Mme Calvasina. Nous sommes d’avis que la Fed devrait commencer à réduire son taux au milieu de l’année.
  • Les bilans semblent sains et les problèmes de financement, moins graves que prévu. Les hausses de taux musclées décrétées par la Fed ont nui aux actions de sociétés à petite capitalisation pendant une bonne partie de l’année dernière. Les investisseurs redoutaient en effet que les taux élevés appliqués aux nouvelles émissions de titres de créance et aux nouveaux prêts restreignent considérablement les bilans. Les sociétés à petite capitalisation dépendent davantage du financement externe que leurs homologues à grande capitalisation. Toutefois, les données de Mme Calvasina montrent que les sociétés à petite capitalisation ne sont pas aussi lourdement endettées qu’on aurait pu le croire, car elles ont de plus en plus souvent opté pour un financement à long terme. Le taux d’intérêt effectif des sociétés de l’indice Russell 2000 se situait entre 4 8 % et 5 1 % en décembre 2023, ce qui est nettement inférieur aux coûts de financement moyens depuis 1989 et légèrement en deçà de la moyenne depuis 2003.
  • La diversification de leur portefeuille a des avantages qui ne se limitent pas à la taille. Les pondérations sectorielles diffèrent largement entre les indices de sociétés à grande capitalisation et les indices de sociétés à petite capitalisation. Les secteurs de la technologie de l’information et des services de communications ont une pondération beaucoup plus élevée dans l’indice S&P 500, tandis que les secteurs tributaires de la conjoncture économique (cycliques) comme les produits industriels, la finance, la consommation discrétionnaire et l’immobilier sont plus fortement pondérés dans les indices de titres à petite capitalisation, comme le montre le tableau. En outre, les dix titres les plus importants du S&P 500 représentent pas moins de 30 9 % de l’indice (ce qui comprend les titres technologiques des « sept merveilles »), tandis que les dix titres les plus importants du S&P 600 des sociétés à petite capitalisation et du Russell 2000 ne constituent que 5 8 % et 3 3 % des indices, respectivement. Ceux-ci sont donc beaucoup plus diversifiés.

Les pondérations sectorielles et d’autres caractéristiques diffèrent largement entre les indices de sociétés à grande capitalisation et les indices de sociétés à petite capitalisation.

S&P 500 (grande cap.) S&P SmallCap
600
Russell 2000 (petite cap.)
Pondérations sectorielles
Services de communication 8,6 % 2,7 % 1,4 %
Cons. discrétionnaire 10,9 % 14,8 % 13,3 %
Consommation de base 6,2 % 4,4 % 2,8 %
Énergie 3,9 % 4,2 % 7,4 %
Finance 13,0 % 18,5 % 16,0 %
Soins de santé 12,6 % 10,4 % 15,1 %
Produits industriels 8,8 % 17,2 % 18,4 %
Techn. de l’information 28,9 % 12,0 % 12,6 %
Matières 2,4 % 5,9 % 3,9 %
Immobilier 2,5 % 7,7 % 6,4 %
Services publics 2,3 % 2,0 % 2,8 %
Caractéristiques de l’indice
Nombre de constituants (actions) 503 602 1966
Plus grande capitalisation boursière en M$ US 2 994 371,34 $ 8 186,53 $ 14 993,00 $
Capitalisation boursière moyenne en M$ US 83 594,11 $ 2 065,95 $ 3 265,00 $
Capitalisation boursière médiane en M$ US 33 544,75 $ 1 742,67 $ 965,00 $
Pondération du plus grand constituant 7,1 % 0,7 % 0,5 %
Pondération des 10 principaux constituants 30,9 % 5,8 % 3,3 %
Ratios des cours*
Ratio C/B actuel 22,79x 15,58x 29,21x
Ratio C/B moyen sur 20 ans 18,39x 24,01x 38,45x
Ratio C/CA actuel 2,57x 0,95x 1,18x
Ratio C/CA moyen sur 20 ans 1,78x 1,01x 1,14x

* Les données sur le ratio cours/bénéfice (C/B) et le ratio cours/chiffres d’affaires (C/CA) sont ceux des 12 derniers mois.

Sources : RBC Gestion de patrimoine, indices S&P Dow Jones, FTSE Russell, iShares, Bloomberg et FactSet. Les pondérations sectorielles sont arrondies. Pondérations sectorielles et caractéristiques des indices au 31 décembre 2023. Ratios des cours au 17 janvier 2024.

Mais nous pensons qu’il faut faire preuve de patience

  • Les actions de sociétés à petite capitalisation ont tendance à enregistrer des rendements inférieurs en périodes de faible croissance du PIB. Actuellement, selon les estimations des Services économiques RBC et les prévisions consensuelles fournies par Bloomberg, la croissance du PIB des États-Unis devrait être inférieure à la moyenne en 2024. Dans ces conditions, les actions de sociétés à petite capitalisation enregistrent généralement des rendements inférieurs, car ce segment comprend une plus grande part de titres cycliques, et les entreprises ont plus de difficulté à générer des bénéfices et des revenus lorsque l’économie est léthargique. Ces actions ont tendance à mieux se comporter lorsque le PIB croît à un rythme supérieur à la tendance, surtout dans les premiers stades d’un cycle de croissance suivant une récession.
  • Si un atterrissage brutal se concrétise, elles pourraient reculer à leurs creux précédents. Selon Bloomberg Intelligence, l’indice Russell 2000 tenait entièrement compte d’une récession à son creux d’octobre dernier. Si les prévisions consensuelles de ralentissement de la croissance pour cette année sont erronées et qu’une récession commence, les indices des titres à petite capitalisation pourraient retomber à ces creux.

Il reste encore un long chemin à parcourir avant la ligne d’arrivée

Nous estimons toujours qu’une surpondération modérée des actions américaines à petite capitalisation est justifiée en raison de leur valorisation grande réduite par rapport aux actions à grande capitalisation. Toutefois, nous savons qu’une fourchette inhabituellement large de résultats économiques plausibles en 2024 pourrait avoir une incidence sur la croissance des bénéfices et des revenus des sociétés à petite capitalisation. C’est pourquoi nous pensons que les titres de sociétés à petite capitalisation évolueront probablement en dents de scie cette année, et que les investisseurs devraient faire preuve de patience.


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