Actions du secteur de l’énergie : une couverture contre l’augmentation du risque géopolitique

Analyse
Perspectives

La remontée du pétrole alimente une occasion intrigante. Nous soutenons que le secteur pétrolier mondial profite de l’amélioration des fondamentaux et que l’exposition des portefeuilles d’actions à ce secteur peut contrer le risque géopolitique.

Partager

25 avril 2024

Frédérique Carrier
Première directrice générale et chef, Stratégies
de placement - RBC Europe Limited

Les prix du pétrole ont atteint un pic inégalé depuis six mois au début d’avril, soutenus par les réductions de production de l’OPEP et la demande plus forte que prévu découlant de la résilience des économies, en particulier aux États-Unis. Le conflit persistant au Moyen-Orient a également donné lieu à une prime de risque.

Les fondamentaux du marché pétrolier sont solides aujourd’hui, les stocks de pétrole de l’Organisation de coopération et de développement économiques étant inférieurs à leur moyenne sur cinq ans. L’Energy Information Administration des États-Unis prévoit qu’au cours de l’été, la production mondiale de pétrole pourrait ne pas suffire aux besoins de consommation, lesquels tendent à rester élevés en raison du fort achalandage sur les routes et de la demande accrue de climatisation dans l’hémisphère Nord.

Certains facteurs contraires pourraient avoir une incidence sur la production mondiale, qui a déjà été limitée par la réduction de 2,2 millions de barils par jour mise en place par l’OPEP en janvier 2024 :

  • La Maison-Blanche a imposé à nouveau des sanctions contre le pétrole vénézuélien, car l’administration Biden affirme que le gouvernement Maduro n’a pas réussi à faire des progrès dans la tenue d’élections présidentielles libres et équitables, réprimant l’opposition.
  • Helima Croft, spécialiste du Moyen-Orient et chef de la stratégie mondiale en matière de marchandises de RBC Capital Markets, LLC, s’attend à ce que la réimposition des sanctions ait une incidence limitée. Elle s’attend à ce que les États-Unis accordent des licences directes au cas par cas aux sociétés internationales cherchant à faire venir des barils du Venezuela aux États-Unis.
  • Au cours de l’été, l’Arabie saoudite pourrait remettre graduellement sur le marché une partie de la production retenue pour profiter de la hausse des volumes à un prix avantageux, et peut-être aussi pour aider ses principaux clients. Toutefois, RBC Marchés des Capitaux ne s’attend pas à ce que l’OPEP déploie des efforts concertés pour accroître la production, à moins d’une interruption soutenue de l’offre. Le cartel a appris une dure leçon en 2018 lorsqu’il a augmenté la production de pétrole pour compenser la perturbation attendue de la production iranienne. La pénurie ne s’est jamais matérialisée et les prix ont reculé, ce qui a nui à la rentabilité de l’OPEP.

Les récentes interventions militaires au Moyen-Orient pourraient toutefois entamer de façon soutenue les réserves.

Les prix du pétrole sont en hausse?

Prix du baril de pétrole brut West Texas Intermediate (WTI) et Brent

Prix du baril de pétrole brut West Texas Intermediate (WTI) et Brent

Le graphique linéaire indique le prix du baril de pétrole brut West Texas Intermediate (WTI) et Brent depuis décembre 2021. Au cours de la période indiquée, le WTI a atteint son prix le plus élevé de 123,70 $ le baril ($/baril) en mars 2022 et son prix le plus bas de 66,48 $ un an après en mars 2023. Au début de janvier 2024, le prix du WTI était de 70,38 $; il a par la suite grimpé à 86,59 $ au début d’avril et se situe maintenant tout juste sous 83 $/baril. Au cours de la période, le Brent a atteint son prix le plus élevé de 127,98 $ le 8 mars 2022 et son prix le plus bas de 71,84 $ en juin 2023. Il a entamé 2024 à un prix de 75,89 $, a atteint un sommet de 91,17 $ au début d’avril et se situe maintenant à 88,35 $.

  • WTI
  • Brent

Source : Bloomberg; données prises en compte jusqu’au 24 avril 2024

Danger immédiat

Le risque géopolitique s’est accru depuis l’automne dernier, et s’est enflammé en avril. Après des décennies de guerre clandestine et par procuration, l’Iran et Israël ont lancé des frappes militaires directes sur le territoire de l’un et l’autre. Même si les dirigeants israéliens et iraniens semblent avoir conçu leurs interventions militaires de façon à éviter de causer de graves pertes civiles et dommages aux infrastructures, Mme Croft soutient que la dynamique régionale sous-jacente demeure déstabilisante et pourrait connaître une soudaine escalade.

Elle ajoute qu’une menace directe aux réserves de pétrole de la région est possible si la guerre prend de l’expansion, si l’Iran ou les rebelles houthis du Yémen qu’il soutient lancent des attaques contre des pétroliers dans le détroit d’Hormuz ou contre des infrastructures énergétiques critiques dans la région. L’Iran a déjà menacé de perturber le transport des marchandises dans le détroit d’Hormuz dans le cadre de sa réponse stratégique à l’attaque israélienne. En fait, l’Iran a saisi un navire dans ce passage crucial quelques heures avant son attaque de drones et de missiles sur Israël. En 2019, l’Iran a ciblé des pétroliers dans ce passage maritime crucial, par où passe l’équivalent de 40 % de la production de l’OPEP.

Mme Croft est d’avis que les prix du pétrole actuels ne reflètent pas l’ampleur du risque d’escalade, même s’ils sont élevés et qu’ils comprennent déjà une prime de risque. Elle estime qu’une désescalade soutenue des tensions dans la région est peu probable. En plus de la possibilité que les affrontements entre Israël et l’Iran s’élargissent, elle évoque la possibilité d’une escalade du conflit transfrontalier entre Israël et le Hezbollah au Liban, qui est soutenu par l’Iran.

RBC Marchés des Capitaux pense que, si les prix à la pompe aux États-Unis dépassent le seuil psychologique de 4 $ le gallon à l’échelle nationale, la Maison-Blanche pourrait puiser dans sa réserve stratégique de pétrole afin de plafonner les prix pendant la période estivale de pointe, et avant les élections présidentielles de novembre. De plus, RBC Marchés des Capitaux estime que le niveau relativement bas de 350 millions de barils de la réserve stratégique de pétrole, comparativement à plus de 600 millions au début de 2022 avant l’invasion de l’Ukraine par la Russie, et les prix élevés du pétrole pourraient inciter la Maison-Blanche à intensifier ses efforts diplomatiques pour que l’OPEP renonce à ses réductions à la prochaine réunion du cartel en juin.

La gestion rigoureuse du capital dynamise les actions du secteur de l’énergie

Les prix des actions mondiales du secteur de l’énergie ont augmenté de plus de 10 % depuis le début de l’année, stimulés non seulement par la hausse des prix du pétrole, mais aussi par les fondamentaux sous-jacents.

Au cours des dernières années, face à la menace de la transition énergétique, les sociétés pétrolières se sont mises à gérer plus prudemment leurs programmes de dépenses d’investissement, se concentrant uniquement sur les projets les plus rentables – que ce soit dans l’industrie pétrolière traditionnelle ou dans les énergies renouvelables. La production des grandes pétrolières mondiales n’a augmenté que de quelques pourcentages, mais la rentabilité globale nous semble bien étayée. Selon Paul Danis, responsable de la répartition de l’actif à RBC Brewin Dolphin, le ratio de rendement des capitaux propres a augmenté à 14 %, comparativement à la médiane sur 44 ans de 12 %.

Les sociétés pétrolières canadiennes profiteront également de l’expansion tant attendue du pipeline Trans Mountain (TMX) au deuxième trimestre de 2024. Le réseau pipelinier transportera du pétrole brut et des produits raffinés de l’Alberta jusqu’à la côte ouest du Canada, ce qui permettra aux producteurs de pétrole d’accéder à de nouveaux marchés.

La récente discipline des sociétés pétrolières en matière de gestion du capital a permis à la plupart des producteurs de se concentrer sur la bonification des rendements pour les investisseurs au moyen de rachats d’actions et de versements de dividendes. Le secteur mondial de l’énergie affiche actuellement un rendement en dividende de 3,6 % sur 12 mois, ce qui est nettement supérieur au rendement de 2,3 % de l’indice MSCI Monde tous pays.

Même après la récente remontée des actions du secteur de l’énergie, ces actions, prises dans leur ensemble, se négocient actuellement à un prix 36 % en deçà de celui de l’indice MSCI Monde tous pays, selon le ratio cours/bénéfice prévisionnel sur 12 mois. Selon M. Danis, cette situation est le fait du contexte de croissance structurelle difficile attribuable à l’abandon des combustibles fossiles et à la montée de l’énergie propre.

Selon nous, les sociétés pétrolières peuvent offrir une protection contre le risque géopolitique et tout éventuel choc de l’offre. Le secteur a nettement surpassé l’ensemble du marché boursier lors des trois chocs de l’offre de pétrole depuis les années 1970.

Cependant, les investisseurs doivent garder à l’esprit que les actions pétrolières ne sont pas très sensibles aux taux d’intérêt en raison de leurs faibles multiples de valorisation, et qu’elles se sont donc comportées relativement bien lorsque l’inflation et les taux d’intérêt ont augmenté. Si, comme nous le croyons, les taux obligataires se rapprochent de leur sommet, ce facteur favorable au rendement pourrait bien être éliminé. De plus, en réalisant des profits substantiels grâce à des investissements prudents dans leurs activités de base, les sociétés pétrolières au Canada, au Royaume-Uni et en Europe risquent de redevenir la cible de nouvelles taxes. Cela pourrait avoir une incidence sur la confiance des investisseurs.

Après évaluation des occasions et des risques, nous sommes d’avis que les portefeuilles devraient investir dans les actions du secteur de l’énergie au moins à hauteur des indices de référence boursiers pertinents, compte tenu des valorisations raisonnables, de la gestion rigoureuse du capital et du risque élevé d’un choc de l’offre de pétrole.


RBC Gestion de patrimoine est une division opérationnelle de Banque Royale du Canada. Veuillez cliquer sur le lien « Conditions d’utilisation » qui figure au bas de cette page pour obtenir plus d’information sur les entités qui sont des sociétés membres de RBC Gestion de patrimoine. Nous n’approuvons ni ne recommandons le contenu de cette publication, qui est fourni à titre d’information seulement et ne vise pas à donner des conseils.

® / MC Marque(s) de commerce de Banque Royale du Canada utilisée(s) sous licence. © Banque Royale du Canada 2024. Tous droits réservés.


Frédérique Carrier

Première directrice générale et chef, Stratégies
de placement - RBC Europe Limited

Entrons en contact


Nous voulons discuter de votre avenir financier.

Articles connexes

Une vague d’élections aux quatre coins de la planète

Analyse 15 minutes de lecture
- Une vague d’élections aux quatre coins de la planète

Sonner le réveil des sociétés japonaises

Analyse 8 minutes de lecture
- Sonner le réveil des sociétés japonaises

Les risques qui pèsent sur le transport maritime sont-ils sous-estimés ?

Analyse 7 minutes de lecture
- Les risques qui pèsent sur le transport maritime sont-ils sous-estimés ?