Alors que les investisseurs boursiers sont confrontés à des difficultés persistantes, les taux de rendement élevés des obligations changent l’équation.
4 Décembre 2023
Jim Allworth Stratégiste, PortefeuillesRBC Dominion valeurs mobilières
Cette image décrit assez bien les deux dernières années des principaux marchés boursiers mondiaux. Après ce qui ne peut être décrit que comme des progrès spectaculaires par rapport aux creux pandémiques du printemps 2020 (voir le tableau), la plupart des indices ont plafonné environ 21 mois plus tard et n’ont plus fait depuis que digérer ces gains importants.
Source : FactSet; données jusqu’au 20 novembre 2023.
La prédominance écrasante des gains boursiers en 2023 est attribuable aux titres technologiques ou liés à la technologie que l’on a surnommés les « sept merveilles » (soit Alphabet, Amazon, Apple, Meta, Microsoft, NVIDIA et Tesla) dans l’indice S&P 500. Les indices qui ne contiennent aucun de ces titres (comme l’indice S&P/TSX au Canada, l’indice MSCI Europe et l’indice britannique FTSE All-Share) se négocient à des valorisations beaucoup plus faibles et ont inscrit des rendements inférieurs à ceux de l’indice S&P 500.
Même si les indices boursiers ont stagné au cours des dernières années, les taux de rendement obligataires ont grimpé à des niveaux jamais vus depuis la crise financière mondiale. Pour la première fois en plus de 15 ans, un investisseur dont une obligation en portefeuille arrive à échéance n’a pas à réinvestir à contrecœur le produit à un taux beaucoup plus bas et peu attrayant, ou même à aller à l’encontre de son jugement en l’affectant à des titres de créance risqués ou à des actions à rendement élevé pour combler l’écart de revenu courant.
Aujourd’hui, une combinaison d’obligations gouvernementales et d’obligations de sociétés de catégorie investissement procure un rendement dépassant 5 %. À notre avis, les obligations constituent une fois de plus un complément précieux aux actions dans un portefeuille équilibré, offrant, comme c’est habituellement le cas, un mélange de volatilité réduite, de rendements plus prévisibles et de valeur à l’échéance.
Ce nouveau niveau élevé des titres à revenu fixe découle du fait que les banques centrales, menées par la Fed, ont abandonné leurs programmes massifs de rachat d’obligations (aussi appelés « assouplissement quantitatif ») qui ont été en place pendant la majeure partie des 15 dernières années. Ces programmes visaient à pousser les taux obligataires beaucoup plus bas que les forces du marché ne l’auraient fait, en vue de soutenir les économies développées dans la foulée de la crise financière mondiale, de la crise de la dette souveraine en Europe et de la pandémie.
Le graphique linéaire indique le rendement d’un portefeuille équilibré d’obligations composé à 50 % de titres du Trésor américain et à 50 % d’obligations de sociétés de catégorie investissement en fonction d’un taux de rendement annuel de départ si les fonds étaient investis dans ces proportions, de 2000 au 17 novembre 2023. La ligne commence à environ 7 % en 2000, puis se replie progressivement en trois vagues pour atteindre un creux de seulement 1 % en 2021, avant de rebondir fortement pour atteindre environ 5,3 % aujourd’hui. La deuxième ligne représente le rendement annuel souhaité par le California Public Employees Retirement System (CalPERS), la plus importante caisse de retraite aux États-Unis. Le rendement souhaité par la caisse de retraite était légèrement supérieur à 8 % en 2000 et a diminué très lentement pour s’établir à environ 6,7 % aujourd’hui. La ligne correspondant au rendement souhaité du portefeuille d’obligations est maintenant plus proche de la ligne de celle de la caisse de retraite qu’à tout autre moment en 22 ans.
Sources : Bloomberg et California Public Employees Retirement System (CalPERS); données jusqu’au 17 novembre 2023.
D’abord, il n’est plus aussi nécessaire d’acheter des actions à des fins de revenu pour réaliser un plan financier à long terme.
À un certain moment au cours de la période qui a suivi la pandémie, plus de 60 % des actions de l’indice S&P 500 affichaient un rendement en dividendes supérieur à celui des obligations du Trésor américain à 10 ans. Plutôt que de s’engager sur plusieurs années à l’égard d’une obligation versant un taux artificiellement bas, un investisseur pouvait acquérir les actions d’une société chevronnée probablement bien connue et offrant un dividende à rendement élevé ainsi que la possibilité que le dividende soit augmenté périodiquement.
Par conséquent, en raison de la nécessité d’accroître le revenu des portefeuilles, la pondération des actions dans ceux des investisseurs individuels a été amplifiée au cours de cette période, lorsque les taux de rendement obligataires ont été maintenus à des niveaux extrêmement faibles par les politiques extrêmes des banques centrales. Certains fonds équilibrés et caisses de retraite avaient aussi tendance à accroître leurs placements en actions.
De nos jours, aucun avantage aussi évident sur le plan des revenus n’est vraiment disponible, selon nous. Les sociétés qui offrent des rendements en dividendes concurrentiels ou supérieurs aux taux obligataires ont souvent d’autres problèmes.
Si les investisseurs individuels et les caisses de retraite sont en mesure d’obtenir leurs rendements cibles à long terme et de prendre simultanément moins de risques, bon nombre d’entre eux pourraient choisir de le faire. Réduire de quelques points de pourcentage la pondération des actions et redéployer les fonds dans des titres à revenu fixe devrait être une caractéristique des prochains mois et trimestres.
Ensuite, la nécessité pour les sociétés de refinancer d’anciens prêts et d’en souscrire de nouveaux dans ce contexte de taux d’intérêt plus élevés signifie que leurs coûts d’intérêt devraient augmenter, ce qui réduira leurs marges bénéficiaires s’ils ne peuvent pas être entièrement transmis aux clients.
Seules les sociétés les plus importantes et les plus expérimentées ont été en mesure d’utiliser l’intermède pandémique des taux d’intérêt pratiquement nuls pour émettre des obligations à long terme. Beaucoup d’autres ont dû accepter des échéances plus courtes. Environ 20 % des obligations à rendement élevé (c.-à-d., des obligations d’émetteurs de qualité inférieure) arriveront à échéance au cours des 18 à 36 prochains mois et devront être refinancées à des taux plus élevés, ce qui sera probablement difficile pour certaines entreprises. Un plus grand nombre d’entre elles sont également prises à la gorge par l’envolée rapide des coûts associés aux titres de créance à taux variable. De nombreuses sociétés à petite capitalisation sont dans cette situation, ce qui, selon nous, explique en partie leurs mauvais résultats sur le marché boursier tout au long de la dernière année.
Enfin, la forte hausse des coûts d’emprunt vient plomber le revenu disponible des clients, tant les particuliers que les entreprises. Les consommateurs américains doivent composer avec des taux plus élevés pour les prêts hypothécaires, les prêts automobiles et les cartes de crédit. Et simultanément, 44 millions d’Américains ont recommencé à devoir rembourser mensuellement leurs prêts d’études.
Pendant ce temps, le débat entre un atterrissage brutal et un atterrissage en douceur de l’économie américaine se poursuit. Il ne sera pas clos avant que le comité pour l’évaluation des cycles économiques (Business Cycle Dating Committee) du National Bureau of Economic Research (NBER) ne décide de la date officielle du début d’une récession. Cette annonce survient habituellement environ un an après le début de la récession et n’a donc que peu d’utilité pour les investisseurs.
Pour notre part, nous sommes convaincus que la combinaison des taux élevés et des normes restrictives d’octroi de prêts des banques actuellement est une recette pour une récession, comme cela a été le cas dans le passé. Les atterrissages en douceur ont historiquement été caractérisés par une hausse des taux d’intérêt, mais sans resserrement manifeste des normes de crédit.
Et la présence de ces conditions, c’est-à-dire des taux élevés et des conditions d’octroi de crédit restrictives, a déjà des répercussions au Canada, au Royaume-Uni et dans la zone euro. La croissance du PIB de ces trois régions n’a été que l’ombre de la croissance américaine au cours des neuf premiers mois de 2023.
Bien entendu, nos prévisions à l’égard d’une récession aux États-Unis pourraient être erronées. La pandémie a brusquement mis fin à la plus longue expansion économique ininterrompue de l’histoire des États-Unis. Et les réactions politiques à cette crise de santé publique ont déclenché une nouvelle avancée économique tout aussi subitement. D’importants changements décisifs en matière de politiques budgétaire et monétaire apportés ces dernières années continuent d’avoir des effets persistants sur le cours de l’économie. Des effets qui pourraient encore se faire sentir en 2024. Au lieu d’une forte baisse du PIB sur plusieurs trimestres, les difficultés évoquées ci-dessus pourraient n’avoir comme résultat qu’une croissance au ralenti en 2024.
Les conditions pourraient permettre aux bénéfices des sociétés de l’indice S&P 500 de continuer à croître, mais probablement pas autant que la prévision consensuelle actuelle pour 2024 (245 $ par action, soit une hausse de 11,4 % par rapport aux prévisions de 220 $ pour 2023). À notre avis, toute croissance des bénéfices laisserait une marge de manœuvre pour que les cours boursiers progressent d’ici la fin de 2024, même si l’on ne s’entend toujours pas sur la direction que les choses prendront.
Les marchés boursiers se sont redressés récemment, après une nouvelle amélioration des données sur l’inflation et la mise sur pause du cycle de relèvement des taux de la Fed, ainsi qu’en raison, vraisemblablement, de la vigueur de la croissance du PIB et des bénéfices au troisième trimestre, qui était supérieure aux prévisions consensuelles. Il nous semble que la remontée pourrait continuer jusqu’au début de la nouvelle année.
Pour l’instant, nous recommandons de maintenir des positions suffisantes en actions afin de tirer parti de la possibilité que certains indices de sociétés à grande capitalisation, notamment l’indice S&P 500, atteignent de nouveaux sommets au cours des prochains mois. Toutefois, nous sommes d’avis que les investisseurs devraient envisager de limiter leur sélection de titres individuels aux sociétés qu’ils seraient disposés à détenir pendant une récession, laquelle représente, à notre avis, le scénario économique le plus probable au cours des prochains trimestres. Cela signifie pour nous des entreprises de grande qualité dotées d’un bilan résilient, de dividendes durables et d’un modèle d’affaires qui n’est pas très sensible au cycle économique.
La raison la plus convaincante pour laquelle il est judicieux de mettre l’accent sur les entreprises résilientes et de grande qualité est peut-être que les difficultés économiques qui s’accumulent se dissiperont probablement plus tard en 2024. Les marchés boursiers anticipent généralement le début d’une nouvelle expansion économique plusieurs mois avant qu’elle ne commence. À notre avis, les portefeuilles qui maintiennent leur valeur à un niveau supérieur à la moyenne seront les mieux placés pour profiter des occasions qui se présenteront inévitablement lorsque la croissance économique reprendra son rythme de croisière.
S’il est éventuellement nécessaire d’établir une structure plus défensive pour un portefeuille équilibré, le fait que les obligations soient de nouveau une solution de rechange raisonnable pour un investisseur qui cherche à réduire le risque est une bonne nouvelle.
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