Nous faisons le point sur la course à la Maison-Blanche et présentons nos réflexions sur l’incidence que le programme en matière d’imposition et de dépenses de chaque candidat aurait sur l’endettement des États-Unis et l’orientation de la politique de la Réserve fédérale (Fed) à moyen et à long terme.
Tasneem Azim-Khan Vice-présidente et stratégiste en chef, placements
Il ne reste plus que quelques jours avant l’élection présidentielle et il est impossible d’en prédire le vainqueur. L’avance dont profitait la vice-présidente Kamala Harris peu après l’annonce de sa candidature a largement fondu.
Les raisons sont difficiles à déterminer avec précision, mais selon nous, Mme Harris peine à envoyer un message clair aux électeurs, en particulier sur des questions comme l’inflation et l’économie. Le récent débat entre les candidats à la vice-présidence n’a pas réussi à renforcer le message de Mme Harris ni à faire progresser la candidate dans les sondages, mais il est vrai que ce débat n’a généralement guère d’incidence sur l’issue du scrutin. De plus, certains observateurs affirment que les deux ouragans qui ont dévasté la côte du golfe du Mexique et leur gestion par l’administration actuelle ont porté préjudice au parti sortant. Enfin, le risque géopolitique reste au cœur des préoccupations de nombreux électeurs, certaines factions considérant le conflit du Moyen-Orient comme l’enjeu le plus important des prochaines élections.
Pourtant, les nombreux rebondissements des derniers mois nous ont montré que tout peut arriver. Nous ne serions pas surpris si l’incertitude ne faisait que grandir sur le marché à l’approche des élections du 5 novembre. Cependant, nous éviterons de réagir à cette nervosité en intervenant dans les portefeuilles de façon inconsidérée. En ce qui concerne les portefeuilles, notre attention demeure focalisée sur les bénéfices des sociétés et la croissance du PIB.
Dans « Élections américaines 2024 : « femme à chat sans enfant » contre « covfefe, » » nous avons longuement discuté du programme général de chaque candidat, notamment des plans de dépenses qui pourraient remettre la stimulation budgétaire à l’ordre du jour. La façon dont ces plans seront financés est loin d’être claire et les montants prévus n’arrivent pas au niveau des dépenses. Mais telle est la nature de la politique. En règle générale, les politiciens évitent de parler d’austérité budgétaire durant leur campagne, car ce n’est tout simplement pas un sujet porteur.
L’état de l’économie américaine au cours des prochains mois est difficile à prévoir. Toutefois, si le scénario d’un atterrissage en douceur (qui semble faire consensus) se concrétise (c.-à-d. si on assiste à un ralentissement de la croissance du PIB des États-Unis plutôt qu’à une récession à grande échelle) et que l’inflation demeure supérieure à la cible à long terme de la Fed, la nécessité d’une telle relance budgétaire paraît douteuse, dans le meilleur des cas. En effet, de telles politiques pourraient avoir pour effet global une hausse de l’inflation à un moment où cet enjeu préoccupe fortement un très grand nombre d’électeurs. Elles mettraient non seulement des bâtons dans les roues de la Fed pour l’avenir (nous y reviendrons), mais elles aggraveraient aussi le problème de la flambée de la dette publique des États-Unis.
Le gouvernement américain a clos l’exercice 2024 le 30 septembre avec un déficit de 1,833 billion de dollars américains, soit une hausse de 8 % par rapport à l’exercice 2023 et le troisième en importance de l’histoire du pays. À la fin du dernier exercice, la dette publique dépassait 35 billions de dollars. Le déficit budgétaire et la dette publique ont explosé tant sous le gouvernement Trump que sous le gouvernement Biden.
Peu importe la personne qui remportera la présidentielle, elle sera confrontée à de redoutables obstacles liés à l’endettement record, aux déficits structurels importants et à la hausse des paiements d’intérêts. Aucun des deux candidats n’a abordé explicitement ce défi, peut-être parce que chacun sait que son programme en matière d’imposition et de dépenses ne ferait qu’accroître les déficits et la dette, selon une analyse approfondie du Committee for a Responsible Federal Budget (CRFB), un groupe de réflexion non partisan. Mme Harris mentionne la dette et les déficits dans son livre de politiques de campagne, mais principalement pour affirmer que ses politiques seraient relativement plus favorables que celles de son adversaire.
Selon l’analyse du CRFB, les programmes en matière d’imposition et de dépenses de Mme Harris et de M. Trump entraîneraient des hausses de la dette de 3,5 billions de dollars et de 7,5 billions de dollars, respectivement, entre 2026 et 2035. Les deux candidats ont proposé des approches différentes pour financer ses dépenses. Mme Harris souhaite imposer plus lourdement les riches et les sociétés, tandis que M. Trump a promis de financer ces déductions fiscales en augmentant les tarifs douaniers. Dans l’ensemble, les économistes estiment que le programme de Mme Harris est légèrement plus « abordable » et que celui de M. Trump est moins « abordable » et plus inflationniste.
Lors de la réunion du Comité fédéral de l’open market (FOMC) de septembre, la Fed a amorcé le cycle de baisse des taux attendu depuis longtemps et l’annonce a eu l’effet d’une bombe dans le monde entier. La Fed a en effet réduit le taux des fonds fédéraux, qui dicte la tendance, de 50 points de base au lieu de la baisse prévue de 25 points de base. Bien qu’un atterrissage en douceur de l’économie semble réalisable pour le moment, la Fed ne doit pas crier victoire, étant donné que le marché du travail a commencé à ralentir (tout en demeurant vigoureux) et que l’inflation reste supérieure à sa cible de 2 % (bien qu’elle ait considérablement décéléré par rapport au sommet atteint au deuxième semestre de 2022).
En ce qui concerne la trajectoire des baisses de taux d’intérêt, les responsables de la Fed ont fixé une fourchette cible de 4,25 % à 4,5 % pour le taux des fonds fédéraux d’ici la fin de l’année. Pour y parvenir, il faudra deux baisses de taux d’un quart de point ou une baisse d’un demi-point. Pour 2025, ils prévoient abaisser le taux de référence à quatre reprises, afin de le porter à une fourchette de 3,25 % à 3,5 %.
Certains se demandent si les élections auront une incidence sur le cycle de réduction des taux de la Fed. Nous croyons qu’elles n’en auront pas. À notre avis, comme la Fed est une entité indépendante, ses décisions ne seront pas influencées par les résultats de l’élection, mais par les données.
Cela dit, quoique peu probables, certaines situations pourraient contraindre la Fed à revoir ses prévisions actuelles de diminution des taux, d’après nous. Ces scénarios sont ceux dans lesquels l’un ou l’autre des partis remporte la présidentielle et la majorité au Congrès (c’est-à-dire le contrôle de la Chambre et du Sénat). Faisant face à moins de freins et de contrepoids, les élus pourraient être encouragés à transformer les discours de campagne en lois. Nous croyons que ces scénarios risquent fort de faire grimper les attentes inflationnistes. C’est particulièrement vrai si M. Trump reprend la Maison-Blanche et que les républicains deviennent majoritaires au Congrès, car les projets de hausse généralisée des tarifs douaniers pourraient être mis en œuvre, en plus de la prolongation de la loi Tax Cuts and Jobs Act (voir les explications données ici).
Comme elle agit en fonction des données, la Fed serait bien obligée de tenir compte de ces facteurs et cela pourrait remettre en question ses perspectives actuelles pour les taux d’intérêt. Nous pourrions assister à un retour des commentaires sur la période prolongée de taux élevés ou même à une possible reprise des hausses. Si la Fed cherche à limiter la réapparition des tensions inflationnistes, les prévisions générales actuelles d’atterrissage en douceur pourraient céder la place à des arguments plus convaincants sur le risque croissant de récession, mettant les actifs à risque sous pression.
Les scénarios mentionnés ne sont pas complètement invraisemblables. Nous les jugeons improbables, mais s’ils se concrétisaient, nous pensons que des voix dissidentes pourraient s’élever au sein de chaque parti (en particulier de la part des partisans de la rigueur budgétaire) et que des membres des deux partis pourraient s’entendre pour empêcher l’adoption de lois aussi radicales.
Souvent, les promesses de dépenses formulées durant la course à la présidence ne se matérialisent pas en lois, en l’absence de soutien du Congrès. Au moment d’écrire ses lignes, selon YouGov, qui modélise toutes les élections de 2024 pour le Sénat et la Chambre des représentants, dans chaque district du Congrès, les républicains conserveraient une légère avance au Sénat, tandis que les démocrates seraient légèrement avantagés à la Chambre. Les deux résultats entraîneraient un renversement de la composition actuelle du Congrès. Autrement dit, l’impasse continuerait.
Dans la mesure où le gouvernement reste divisé, des compromis devront sans aucun doute être faits sur les dépenses. C’est pourquoi les programmes budgétaires des deux candidats, ainsi que les estimations d’augmentation subséquente de la dette publique exposées ci-dessus, pourraient finalement se révéler généreux ou exagérés.
Néanmoins, cela est un peu rassurant, vu la dette pharaonique des États-Unis, mais nous n’avons guère d’espoir que le déficit budgétaire diminuera notablement dans un proche avenir. Cette approche consistant à « acheter maintenant et payer plus tard » se traduira en fin de compte par un compromis sur la prospérité économique à moyen et long terme. La hausse de la dette publique pèsera sur la croissance économique à long terme et découragera une bonne partie des investissements privés dont le pays a tant besoin, qui améliorent le stock de capital national et la productivité de la main-d’œuvre. Bien que les mesures de relance budgétaire stimulent la consommation à court terme, elles s’accompagnent généralement d’une hausse de l’inflation et des taux à moyen et à long terme, qui érode le pouvoir d’achat des consommateurs.
En ce qui a trait aux portefeuilles des investisseurs, l’incertitude entourant le résultat des élections à court et à moyen terme ainsi que l’incidence de l’expansion de la dette publique des États-Unis à moyen et à long terme mettent en évidence la nécessité de bien diversifier les portefeuilles selon les catégories d’actifs (actions, titres à revenu fixe et placements alternatifs), les régions et les styles (croissance et valeur). Les actuelles prévisions générales d’un atterrissage en douceur de l’économie américaine ne doivent pas inciter à la complaisance et ne constituent pas un fait accompli. Eric Lascelles, économiste en chef à RBC Gestion mondiale d’actifs, a récemment abaissé la probabilité d’une récession aux États-Unis au cours de la prochaine année, de 30 % à 25 %. Or, même selon une probabilité de 25 %, le risque de récession n’est pas négligeable et demeure supérieur au risque de référence de 10 % à 15 % associé à l’année moyenne.
Certes, les rendements démesurés des actions de sociétés américaines à grande capitalisation ont été une aubaine pour de nombreux portefeuilles. Cependant, les investisseurs devraient éviter toute concentration excessive dans cette catégorie d’actifs au détriment des autres, d’autant plus que les valorisations actuelles sont supérieures à la moyenne. Nous continuons de considérer des segments de titres à revenu fixe, de placements alternatifs et de stratégies d’actions axées sur la croissance des dividendes ou sur la valeur comme des secteurs du marché qui peuvent procurer un certain niveau de protection aux portefeuilles, tout en offrant des rendements corrigés du risque raisonnables.
Nos gestionnaires de portefeuille, dont beaucoup ont connu plusieurs cycles de marchés et d’élections aux États-Unis, ont l’expérience et la vue d’ensemble requises pour faire abstraction de l’agitation. Ce calme se reflète dans les portefeuilles bien diversifiés qu’ils ont créés pour nos clients, fondés sur des cadres de placement robustes et axés sur des horizons à long terme, autant d’atouts qui devraient aider à supporter les périodes de volatilité transitoires. Nous demeurons d’avis que le maintien des placements est le meilleur « vote » qui soit dans les prochains mois et par la suite.
Ce document a été préparé pour les sociétés membres de RBC Gestion de patrimoine, RBC Dominion valeurs mobilières Inc. (RBC DVM), RBC Phillips, Hager & North Services-conseils en placements inc. (RBC PH&N SCP), RBC Gestion mondiale d’actifs Inc. (RBC GMA), la Société Trust Royal du Canada et la Compagnie Trust Royal (collectivement, les « sociétés ») ainsi que leurs sociétés affiliées, RBC Placements en Direct Inc. (RBCPD), Services financiers RBC Gestion de patrimoine inc. (SF RBC GP) et Fonds d’investissement Royal Inc. (FIRI). *Membre–Fonds canadien de protection des épargnants. Chacune des sociétés, FIRI, SF RBC GP, RBCPD et la Banque Royale du Canada sont des entités juridiques distinctes et affiliées. Par « conseiller RBC », on entend les banquiers privés employés par la Banque Royale du Canada, les représentants inscrits de FIRI, les représentants-conseils employés par RBC PH&N SCP, les premiers conseillers en services fiduciaires et les chargés de comptes employés par la Compagnie Trust Royal ou la Société Trust Royal du Canada ou les conseillers en placement employés par RBC DVM. Au Québec, les services de planification financière sont fournis par FIRI ou par SF RBC GP, qui sont inscrits au Québec en tant que cabinets de services financiers. Ailleurs au Canada, les services de planification financière sont offerts par l’entremise de FIRI ou de RBC DVM. Les services successoraux et fiduciaires sont fournis par la Société Trust Royal du Canada et la Compagnie Trust Royal. Si un produit ou un service particulier n’est pas offert par l’une des sociétés ou par FIRI, les clients peuvent demander qu’un autre partenaire RBC leur soit recommandé. Les produits d’assurance sont offerts par l’intermédiaire de SF RBC GP, filiale de RBC DVM. Lorsqu’ils offrent ou vendent des produits d’assurance vie dans toutes les provinces sauf le Québec, les conseillers en placement agissent à titre de représentants en assurance de SF RBC GP. Au Québec, les conseillers en placement agissent à titre de conseillers en sécurité financière de SF RBC GP. Les stratégies, les conseils et les données techniques contenus dans cette publication sont fournis à nos clients à titre indicatif. Ils sont fondés sur des données jugées exactes et complètes, mais nous ne pouvons en garantir l’exactitude ni l’intégralité. Le présent document ne donne pas de conseils fiscaux ou juridiques, et ne doit pas être interprété comme tel. Les lecteurs sont invités à consulter un conseiller juridique ou fiscal qualifié ou un autre conseiller professionnel lorsqu’ils prévoient mettre en oeuvre une stratégie. Ainsi, leur situation particulière sera prise en considération comme il se doit et les décisions prises seront fondées sur la plus récente information qui soit. Les taux d’intérêt, l’évolution du marché, le régime fiscal et divers autres facteurs touchant les placements sont susceptibles de changer. Ces renseignements ne constituent pas des conseils de placement ; ils ne doivent servir qu’à des fins de discussion avec votre conseiller RBC. Les sociétés, FIRI, SF RBC GP, RBCPD, la Banque Royale du Canada, leurs sociétés affiliées et toute autre personne n’acceptent aucune responsabilité pour toute perte directe ou indirecte découlant de toute utilisation de ce rapport ou des données qui y sont contenues.
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