Le cycle de hausse des taux de la Réserve fédérale a provoqué un tollé, mais sa fin possible est banale. Qu’est-ce que la situation implique pour les investisseurs en titres à revenu fixe ?
27 juillet 2023
Thomas Garretson, CFA Premier stratégiste, PortefeuillesStratégies des titres à revenu fixeServices-conseils en gestion de portefeuille – États-Unis
La réunion annuelle de la Réserve fédérale (Fed) tenue en juillet pourrait se révéler l’une des moins intéressantes du calendrier. Elle est prise en sandwich entre la réunion de juin, qui présente l’une des mises à jour trimestrielles des projections de la Fed pour l’économie et les taux, et le symposium économique de Jackson Hole en août, que la Fed a tendance à utiliser pour annoncer de nouvelles initiatives et orientations politiques ou pour envoyer des messages au marché.
La réunion de ce mois‑ci n’a pas fait exception. La hausse de 25 points de base (pb), qui a fait passer le taux à une fourchette cible comprise entre 5,25 % et 5,50 %, était attendue par presque tout le monde. Seules quelques modifications mineures ont été apportées à la déclaration officielle. Et qu’a‑t‑on appris dans la conférence de presse de Jerome Powell, le président de la Fed ? Celui‑ci s’est donné beaucoup de mal pour ne dire absolument rien de nouveau, tout en précisant que toutes les options restaient envisageables avant de quitter rapidement.
La Fed avait aussi amorcé le cycle actuel de hausse des taux en mars 2022 par une augmentation de 25 pb, en faisant part de perspectives qui laissaient entrevoir un accroissement progressif des taux. À cette époque, les responsables de la politique s’attendaient à ce que les taux n’atteignent que 2,75 % avant la fin de 2023, ce qui ne représente que la moitié des taux aujourd’hui, ceux‑ci ayant progressé de façon beaucoup plus marquée depuis.
D’une certaine façon, il est un peu décevant que l’un des cycles de hausse les plus marquants et surveillés de l’histoire prenne probablement fin sur une telle note : aucune banderole « mission accomplie », aucun feu d’artifice, ni l’ombre d’un défilé. Toutefois, nous nous attendions à un tel dénouement.
Le graphique indique le rythme de resserrement depuis janvier 2022, les hausses de taux allant de 25 points de base à pas moins de 75 points de base, et vice-versa. Au cours de cette période, la Réserve fédérale a procédé à des augmentations cumulatives de 525 points de base.
Sources : RBC Gestion de patrimoine, Bloomberg, Réserve fédérale ; représentation de la limite supérieure de la fourchette cible de la Fed ; pb = points de base
Les négociateurs évaluent actuellement à 25 % la probabilité d’une autre hausse en septembre ou en novembre, même après les événements survenus cette semaine. Bien que cette éventualité soit envisageable, nous restons d’avis que le cycle de hausse des taux est bel et bien terminé. Pourquoi ?
À la fin de l’année dernière, M. Powell a déclaré que même si un atterrissage en douceur de l’économie était encore possible, la piste avait rétréci. Pourtant, la Fed donne aujourd’hui l’impression qu’un Boeing 747 y atterrirait sans difficulté.
S’il y a un point important à retenir de la réunion tenue cette semaine, c’est que le personnel de la Fed ne tente plus de modéliser une récession cette année. Nous pouvons aisément comprendre pourquoi.
La première estimation de la croissance du produit intérieur brut au deuxième trimestre, publiée cette semaine après la réunion de la Fed, a largement dépassé les attentes, l’expansion ayant été de 2,4 % en rythme annualisé, comparativement aux prévisions générales de 1,8 %. À première vue, cette annonce peut sembler contraire à l’idée que le cycle de hausse des taux est terminé, mais les prix n’ont augmenté que de 2,2 % au deuxième trimestre, ce qui est bien inférieur aux prévisions générales de 3,0 %. La nouvelle d’une croissance sans inflation est certes réconfortante.
En outre, le sondage sur la confiance des consommateurs du Conference Board publié cette semaine a montré une dynamique similaire : la confiance des consommateurs a atteint un sommet de deux ans, tandis que les attentes d’inflation de ceux‑ci ont chuté à leur plus bas niveau depuis novembre 2020.
Évidemment, dans une telle conjoncture économique où les consommateurs résistent remarquablement bien et gagnent possiblement en confiance à mesure que le fléau de l’inflation s’estompe, il existe sans doute un risque sous‑jacent : la Fed pourrait abandonner l’atterrissage en douceur et procéder à d’autres hausses de taux avant d’essayer d’orchestrer un nouvel atterrissage. Or, nous pensons que les risques de baisse de l’économie l’emporteront sur les risques de hausse au cours du dernier semestre de l’année, car l’incidence cumulative du resserrement de la politique sur l’activité économique n’a pas encore atteint son plein effet.
De plus, de très nombreux sondages menés auprès des entreprises révèlent que d’importantes pressions désinflationnistes sont à venir. Leurs résultats confortent notre opinion selon laquelle le niveau à atteindre pour annoncer de nouvelles hausses sera assez élevé, bien que la tournure des événements dépende véritablement de l’indice des prix à la consommation et des données sur le marché du travail des deux prochains mois.
La nouvelle hausse des taux, jumelée à l’atténuation des risques économiques, demeure une aubaine pour les investisseurs en titres à revenu fixe.
Comme le montre le deuxième graphique, dans la plupart des principaux segments des titres à revenu fixe, les taux à court terme, qui sont les plus sensibles au taux de financement à un jour de la Fed, sont sans surprise à leurs niveaux les plus élevés en près de 20 ans ou près de ceux‑ci, le taux directeur de la banque centrale n’ayant jamais été aussi élevé depuis 2001.
Le graphique illustre les rendements courants de trois grands segments des titres à revenu fixe américains : les obligations du Trésor, les obligations de sociétés de catégorie investissement et les obligations municipales, réparties en fonction des échéances moyennes. Les taux à court terme de chacune de ces catégories approchent des points culminants des 18 dernières années, tandis que les investisseurs bénéficient de taux supérieurs à la moyenne de la même période, quelle que soit l’échéance. Rendements courants des obligations du Trésor – court terme : 5,4 %, moyen terme : 4,5 %, long terme : 4,1 % ; obligations de sociétés – court terme : 6,1 %, moyen terme : 5,4 %, long terme : 5,5 % ; obligations municipales – court terme : 3,1 %, moyen terme : 3,0 %, long terme : 4,2 %.
Sources : RBC Gestion de patrimoine, indices d’obligations Bloomberg ; exclut les périodes de récession ; les obligations municipales ne reflètent pas le rendement imposable équivalent.
Les taux à long terme, qui sont plus sensibles aux perspectives du marché en matière de croissance économique et d’inflation, demeurent inférieurs aux taux à court terme et aux sommets atteints depuis au moins dix ans, mais sont encore nettement supérieurs à la moyenne. Les attentes d’inflation du marché sont redescendues à des niveaux plus normaux, ce qui a entraîné les taux obligataires à la baisse, mais ce recul a été compensé dans une certaine mesure par le raffermissement des attentes de croissance et la diminution des risques de récession.
Compte tenu de la résilience de l’économie, nous avons repoussé nos prévisions de baisse des taux au milieu de l’année prochaine environ, ce qui devrait prolonger le délai dont disposent les investisseurs en obligations pour tirer avantage du contexte.
Par conséquent, nous préférons rester neutres en ce qui concerne la position à prendre sur la courbe des taux ; dans la mesure où la Fed se garde d’intervenir, les rendements totaux des titres de toutes les échéances devraient être globalement similaires sur un horizon de 12 mois.
Cela dit, puisque la plupart des investisseurs sont probablement désireux d’acheter des obligations à court terme et de les renouveler à l’échéance, nous leur suggérons de commencer à utiliser une stratégie graduelle au cours de la prochaine année afin de convertir les titres arrivant à échéance en obligations à long terme.
Une telle stratégie, couramment utilisée entre la dernière hausse du taux de la banque centrale et la première réduction par celle‑ci, permet de profiter des rendements en revenu pendant plus longtemps, en plus d’offrir une possible appréciation du capital en cas de chute des taux. Nous croyons que cette fenêtre vient tout juste de s’ouvrir.
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