15 février 2023 | Animée par Leanne Kaufman
La recherche, les soins de santé et les politiques au Canada tendent à ignorer les réalités du vieillissement sur les femmes. Le Women’s Age Lab souhaite y remédier.
« Plus de 70 % de notre clientèle sont des femmes. Grâce à ce processus, j’ai remarqué des lacunes dans notre capacité à prendre soin des femmes, dont des problèmes relatifs au manque de données probantes pour adapter les soins à ce groupe de personnes. »
Orateur initial:
Bonjour, et bienvenue à Au-delà de la richesse avec votre animatrice, Leanne Kaufman, présidente et cheffe de la direction de RBC Trust Royal. Pour la plupart d’entre nous, parler de sujets comme le vieillissement, la fin de la vie et la planification successorale n’est pas facile. C’est pourquoi nous leur consacrons ce balado qui vous donne l’occasion d’en entendre parler tout en profitant des grandes connaissances de certains des meilleurs experts dans le domaine au pays. Aujourd’hui, nous voulons vous fournir des renseignements qui vous aideront à vous protéger, vous et votre famille, dans le futur. Voici votre animatrice, Leanne Kaufman.
Leanne Kaufman:
Dans notre société qui vieillit rapidement, les femmes continuent de représenter la majorité de la population âgée, en plus de vivre plus longtemps que leurs homologues masculins. Malgré ce fait, la recherche en santé, les soins de santé de même que les politiques publiques ont dans une large mesure fait abstraction des réalités genrées du vieillissement au Canada et de l’incidence spécifique sur les femmes. Le Women’s Age Lab du Women’s College Hospital de Toronto s’est donné pour mission de changer cela. Se vouant à lutter contre les inégalités en matière de santé auxquelles sont confrontées les femmes âgées, le Women’s Age Lab est le premier et le seul centre en son genre au monde. Son objectif est d’améliorer la vie des femmes âgées en parvenant, à terme, à imprimer des changements touchant la société et le système de santé grâce à la science.
Bonjour, je m’appelle Leanne Kaufman, et je vous souhaite la bienvenue à Au-delà de la richesse de RBC Gestion de patrimoine. Mon honorable invitée d’aujourd’hui est la Dre Paula Rochon, fondatrice et directrice du Women’s Age Lab, un établissement qui constitue une première en son genre au monde. Elle est également scientifique chevronnée au Women’s College Hospital Research Institute, professeure à la Faculté de médecine et à l’Institute of Health Policy, Management and Evaluation, en plus d’être détentrice de la chaire RTOERO en médecine gériatrique à l’Université de Toronto.
À titre de gériatre, la Dre Rochon a consacré sa carrière à la promotion de la santé et du bien-être des personnes âgées, et notamment des femmes, ainsi qu’à la recherche de moyens permettant d’améliorer leur vie en menant des travaux de pointe en ce sens, aux niveaux national et international. La Dre Rochon s’emploie à créer un espace de collaboration portant sur les changements sociétaux et la santé, axés sur la science, qui permettront d’améliorer la vie des personnes âgées, et en particulier des femmes. Je suis fière de dire que RBC Gestion de patrimoine a conclu un accord de partenariat avec le Women’s Age Lab puisque nous reconnaissons et appuyons l’important travail accompli par la Dre Rochon et ses collègues. Dre Rochon, permettez-moi tout d’abord de vous remercier de vous joindre à moi ici aujourd’hui pour discuter de l’importance de la recherche différenciée selon le genre et des raisons pour lesquelles cette recherche importe au-delà de la richesse.
Dre Paula Rochon :
Eh bien, à mon tour de vous remercier pour cette présentation. Je suis ravie d’être ici.
Let’s start out by hearing a little bit more about the Women’s Age Lab and why you created it.
Leanne Kaufman :
Peut-être, pour commencer, pourriez-vous nous en dire un peu plus sur le Women’s Age Lab et sur les raisons pour lesquelles vous avez créé ce laboratoire.
Eh bien, je pense que le Women’s Age Lab constitue en vérité, pour moi, une forme de progression naturelle des travaux que je menais jusqu’alors. En effet, comme je suis gériatre, je suis dûment formée, sur le plan clinique, pour soigner les personnes âgées. J’occupe de surcroît des fonctions de chercheuse et, dès le début de ma carrière, je me suis beaucoup occupée de femmes et d’une multitude de femmes âgées. J’ai commencé ma carrière dans le domaine des soins de longue durée et, à titre de gériatre faisant des consultations, je me suis occupée d’un grand nombre de femmes. En fait, dans ce contexte, au moins 70 pour cent des patients dont nous nous occupions étaient des femmes. Et, dans le cadre de ce processus, j’ai commencé à relever l’existence de lacunes potentielles affligeant notre capacité à prendre soin de celles-ci. Ces lacunes touchaient des aspects qui n’étaient pas forcément reliés au fait que nous disposions des éléments probants dont nous avions besoin pour adopter nos soins à cette cohorte. Le Women’s Age Lab s’inscrit donc dans la foulée de ces années d’expérience.
Comme c’est souvent le cas, les idées les plus judicieuses découlent de l’expérience vécue et de l’identification de certains besoins. Quels sont les principaux domaines sur lesquels le laboratoire met l’accent, s’agissant de la recherche sur le vieillissement différenciée selon le genre ?
Eh bien, à l’étape de l’élaboration du concept, nous avons discuté avec de nombreuses personnes. Si nous avions bien des idées à propos de ce qui était important, il y avait véritablement une foule de choses auxquelles il fallait penser. En effet, lorsque vous passez de l’étape qui consiste à réfléchir à la question du vieillissement et de son étude à celle qui consiste à appliquer cette démarche aux femmes, vous limitez en quelque sorte la portée du projet. Mais vous pouvez facilement vous représenter que cela a également une incidence sur tout. C’est absolument monumental. Nous avons donc dû déterminer les aspects sur lesquels nous souhaitions mettre l’accent.
Nous avons relevé quatre domaines sur lesquels nous souhaitions en effet nous attarder. Il s’agit pour nous des piliers. L’un d’eux concerne l’âgisme genré, thème dont je sais que nous allons l’aborder un peu plus tard. Voilà un aspect dont je ne pensais pas, il y a quelques années peut-être, qu’il était aussi important que je me le représente aujourd’hui. Voilà un élément fondateur. Nous souhaitons également réinventer les soins de longue durée et le fait de vieillir chez soi. Voilà qui représente une question d’une grande importance alors que nous sommes aujourd’hui confrontés à une telle masse de population vieillissante. Et la plupart des gens, soit à hauteur d’environ 93 pour cent, vivent en vérité dans leur maison et y vivent bien. Et ils souhaitent connaître la meilleure façon de maintenir cet état de fait. Voilà donc notre deuxième domaine d’intérêt.
Le troisième domaine tient à l’optimisation des médicaments et des thérapies. En effet, il me semble que pratiquement chacun d’entre nous prenons une forme ou l’autre de médicaments et nous devons donc déterminer quelles sont les meilleures façons de prendre ces médicaments, notamment dans le cas des femmes, de telle sorte que celles-ci puissent limiter les troubles potentiels sous forme, par exemple, d’effets indésirables qui n’ont pas à présenter un caractère inéluctable.
Le quatrième domaine auquel nous nous attardons consiste à promouvoir les liens sociaux et à réduire la portée de réalités comme celle que représente la solitude. Comme vous pouvez vous l’imaginer, il me semble qu’il s’agit là d’un aspect qui est important pour les femmes, celles-ci représentant la majorité des personnes âgées. Cependant, je suis d’avis qu’il s’agit d’un aspect auquel nous pouvons tous nous identifier, notamment en marge de cette expérience liée à la COVID, alors que nous avons tous pu en observer les conséquences. Et il s’agit là par ailleurs d’un aspect qui a aussi manifestement des répercussions sur la santé, malgré le fait que nous n’y pensions pas véritablement sous cet angle.
Nous avons donc relevé ces quatre domaines d’intérêt, qui sont les quatre paliers, et l’approche que nous avons retenue est un peu différente de celle qui prévaut traditionnellement en matière de recherche. En effet, si nous mettons bien évidemment l’accent sur la démarche scientifique – tous les gestes que nous posons se fondant sur la science –, nous adoptons aussi une approche axée sur les connaissances, l’exécution et la mise en œuvre. En effet, nous nous munissons de ces connaissances, nous nous préoccupons de la façon dont nous pouvons les mettre en pratique, ce qui représente le volet de l’exécution, puis nous nous demandons comment nous pouvons véritablement en parler, comme nous le faisons aujourd’hui, toutes les deux, de sorte que chacun puisse en prendre plus conscience et puisse véritablement militer en faveur du type de changements dont nous aurons besoin dans l’avenir.
Eh bien, il me semble que vous avez retenu quatre piliers tout à fait importants dont chacun trouvera indiscutablement un écho auprès de notre auditoire. Au moins un d’entre eux saura retenir l’attention de notre auditoire, je n’en doute pas un instant. Pourquoi vous êtes-vous dit qu’il importait tant de tenir compte des différences entre les femmes et les hommes, par rapport à chacun de ces domaines ?
Eh bien, il me semble que nous avons tendance à adopter une approche « unique » lorsqu’il est question des personnes âgées. À titre d’exemple, ces personnes sont fréquemment considérées comme formant un seul et même groupe. Nous parlons en effet des personnes âgées en soi, malgré le fait que ce qui définit une personne âgée, et qui constitue en vérité une question complètement différente, n’est pas clairement défini puisque, dans certains pays du monde, certains estiment que ce seuil est fixé à peut-être 50 ans, tandis que d’autres prétendent qu’il serait plutôt de 60 ans, d’autres estimant pour leur part que 65 ans constitue plutôt le seuil pertinent, du fait qu’il s’agit de l’âge de la retraite.
Pour ma part, si je m’en réfère à mon expérience à ce chapitre, et pour avoir parlé à une foule de gens, je retiens le fait que ce qualificatif « âgé » évoque souvent un âge plus avancé que celui qui est le nôtre, de telle sorte que, peu importe l’âge en cause, nous évoquons un âge encore plus avancé. Cependant, ce que nous avons tendance à faire consiste à rassembler ces groupes comme s’ils formaient une cohorte uniforme, alors qu’il existe manifestement des différences entre chacun des groupes d’âge. Toutefois, il existe aussi des différences entre les hommes et les femmes dont il importe que nous tenions compte et auxquelles nous ne pensons pas toujours.
À titre d’exemple, il se peut que les femmes soient plus susceptibles de souffrir de certains types de troubles. Par exemple, des troubles comme les maladies de la thyroïde peuvent affliger plus fréquemment les femmes que les hommes. Les femmes ont tendance à vivre plus longtemps. Elles vivent fréquemment plus longtemps que les hommes, mais elles sont victimes non seulement peut-être d’une maladie chronique donnée, mais souvent de maladies chroniques multiples, de telle sorte que doivent être envisagées non seulement une forme, mais plusieurs formes de pharmacothérapies. Il importe donc de penser aux groupes d’âge dont les caractéristiques diffèrent, mais également de penser à leurs intersections et, manifestement, aux différences entre les femmes et les hommes puisque cet aspect importe lui aussi.
Je pense que beaucoup de femmes seraient très surprises d’apprendre qu’en matière de recherche sur les médicaments, par exemple, les travaux ne portent pas spécifiquement sur les femmes. Et dans quelle mesure est-il répandu que des recherches ne soient réalisées que sur les hommes ou ne soient pas spécifiquement ciblées sous quelque forme que ce soit, d’un point de vue différencié selon le genre ?
Eh bien, je pense qu’il est intéressant de noter que, lorsque l’on pense, à titre d’exemple, aux États-Unis, où une somme considérable de recherches ont été menées et où ont été réalisés énormément de travaux financés par le gouvernement fédéral, ce n’est qu’il y a quelques années à peine qu’il est devenu important, voire obligatoire, de faire participer les femmes aux essais cliniques de pharmacothérapies. Et pour moi, ce fait est absolument incroyable puisqu’il me semble que nous venons à peine de mentionner que certains groupes, comme les femmes par exemple, peuvent être plus susceptibles de souffrir de maladies chroniques, peuvent avoir besoin de médicaments particuliers et sont également plus susceptibles de subir des effets secondaires suite à la prise de médicaments. Ainsi donc, si tels sont les groupes qui finissent éventuellement par avoir recours à de telles thérapies médicamenteuses, on souhaitera bien évidemment s’assurer de les faire participer aux études, et notamment aux essais cliniques.
Cependant, l’aspect que j’ai trouvé encore plus intéressant est que, jusqu’à il y a à peine quelques années, ces mêmes études financées par le gouvernement fédéral américain n’étaient pas tenues d’inclure les personnes âgées de telle sorte que, dans un contexte comme dans l’autre, les femmes étaient passées sous silence. Elles étaient passées sous silence parce qu’elles n’étaient pas incluses, mais également, du point de vue de l’âge, nous nous privions des données relatives à cette intersection portant sur ce qu’il s’avérait nécessaire que l’on sache au sujet des femmes. Les choses ont changé et je pense que nous faisons déjà beaucoup mieux à cet égard. Mais il me semble qu’il est important de penser à la question qui consiste à tenir compte du fait que, si l’on souhaite traiter certaines personnes de certaines façons, il importe de se soucier de les étudier comme il se doit.
L’autre lacune qui m’apparaît et dont j’estime qu’elle est extrêmement importante et qu’elle persiste tient au fait que, lorsqu’on réalise des travaux de recherche, quel que soit le sujet sur lequel portent ceux-ci, et que doivent être présentées des informations sur les personnes âgées – supposons qu’il s’agit de personnes âgées de plus de 65 ans –, ces travaux ne présentent pas toujours les différences entre ne serait-ce que les femmes ou les hommes. Ainsi donc, nous nous privons d’énormément d’information qui concerne les femmes qui sont de différents groupes d’âge ou les hommes qui sont de différents groupes d’âge, alors que peuvent exister des différences qu’il serait absolument essentiel que nous les percevions. Nous nous privons donc d’énormément de connaissances, même avec les données dont nous disposons actuellement.
Voici un aspect dont nous sommes vraisemblablement trop peu conscients, et il importe tant que nous envisagions cette question du point de vue que vous évoquez puisque, manifestement, il doit exister une différence. On ne saurait prétendre que le corps d’une femme âgée réagit de la même façon que celui d’un homme jeune, mais, quoi qu’il en soit, je ne saurais m’avancer puisque je ne suis pas une scientifique. Revenons un peu en arrière si vous me le permettez et parlons de l’âgisme genré, soit du premier pilier que vous avez évoqué. Que voulez-vous dire par cela ? Ou quelle définition retient le Women’s Age Lab de ce terme ?
Eh bien, on a beaucoup parlé de la question de l’âgisme. Il me semble que nous entendons parler de ce sujet plus souvent depuis peu alors qu’il est ici question de la discrimination fondée sur l’âge. En fait, le terme « âgisme » a été inventé il y a quelques années par un gériatre appelé Robert Butler. Et l’idée sous-jacente tenait en fait à la désaffection pour le vieillissement. Telle est l’origine de ce terme.
Mais ce n’est que beaucoup plus récemment qu’a été inventée l’expression « âgisme genré », qui vise à désigner la discrimination fondée non seulement sur l’âge, mais également sur le sexe. Et l’aspect intéressant en ce qui concerne les femmes tient, vous en conviendrez, au fait qu’elles sont confrontées à ces deux formes de discrimination. Les femmes âgées sont victimes de discrimination fondée non seulement sur leur âge, mais sur leur sexe.
Et l’une des choses que nous remarquons est que, même lorsque l’on parle d’âgisme, on ne fait pas spécifiquement nécessairement référence à cet aspect de l’âgisme genré, qui incarne en quelque sorte cette double forme de discrimination, élément dont il me semble qu’il est très important de le garder en mémoire. Et non seulement importe-t-il parce qu’il s’agit de quelque chose qui est désagréable et courant, me semble-t-il, mais également parce qu’il représente en quelque sorte l’un de ces déterminants sociaux de la santé comme le serait, par exemple, la pauvreté. Il est ici question d’aspects qui ont une incidence sur votre santé et sur votre bien-être et qui ne sont peut-être pas forcément considérés comme des facteurs médicaux, alors que l’âgisme et le vieillissement genré représentent une forme de déterminant social de la santé. En effet, ils ont une incidence sur votre santé. Et il est donc extrêmement important que nous commencions à parler de cette question et d’y réfléchir, en plus de nous y sensibiliser et de trouver des façons d’intervenir véritablement à leur égard.
Je sais que vous avez participé à la rédaction d’un article pour l’OCDE portant spécifiquement sur cette question de la pauvreté, ou sur les répercussions financières de l’âgisme genré. Pourriez-vous nous en dire un peu plus sur la thèse que vous soutenez dans cet article ?
Oui. On observe depuis peu un intérêt soutenu à l’égard de l’âgisme et un certain nombre d’initiatives nationales et internationales ont été lancées en vue d’intervenir à l’égard de cet enjeu, ce qui, me semble-t-il, est tout à fait positif. Cependant, comme je l’ai souligné, il arrive fréquemment que nous ne pensions pas nécessairement à ce que cela signifie pour des groupes comme les femmes. Il est également intéressant de souligner que, lorsqu’il est question d’âgisme, ou c’est à tout le moins le cas dans notre contexte actuel, nous parlons de ce sujet sous l’angle de l’incidence qu’il a sur les femmes âgées, bien que ce phénomène ait également une incidence sur les jeunes. On pourrait fort bien penser à des situations dans le cadre desquelles seraient soulevés des arguments du genre « vous êtes trop jeune pour cet emploi » ou « vous n’avez pas le bon type d’expérience », « vous devriez attendre un peu plus longtemps », ou ce genre de choses. En vérité, l’âgisme sévit aux deux extrémités du spectre.
Mais l’une des choses auxquelles nous pensons au sujet de l’âgisme genré lorsque nous évoquons les personnes âgées tient à ce que cela signifie et, peut-être, à l’origine de cet enjeu et à l’incidence potentielle sur votre santé. À titre d’exemple, si l’on évoque la question des femmes âgées d’aujourd’hui et que l’on remonte à l’époque où elles étaient plus jeunes et qu’elles ont peut-être commencé à travailler, ces femmes, faut-il le rappeler, pourraient fort bien ne pas avoir intégré le marché du travail parce qu’était observée… je ne sais pas si le mot juste est pression, mais à l’époque il convient de se rappeler que le fait pour les femmes d’intégrer les rangs de la population active n’était pas tout aussi bien accepté sur le plan social. Et lorsqu’elles intégraient le marché du travail, elles devaient fréquemment prendre des congés pour assumer leurs responsabilités sur le plan de la prestation des soins ou pour avoir des enfants, situation dans laquelle de nombreuses personnes souhaitent se retrouver. Dans d’autres situations, les femmes n’ont eu d’autre choix que d’agir de cette façon parce qu’elles n’étaient pas en mesure de travailler tout en étant enceintes ou pour des raisons de cet ordre.
Ainsi donc, de ce fait, les femmes passaient moins de temps sur le marché du travail. De surcroît, les femmes gagnaient traditionnellement moins et il se pouvait également qu’elles aient été moins susceptibles de recevoir de l’avancement. Et non seulement auraient-elles été appelées à s’occuper des enfants, mais, comme nous le savons, les femmes doivent plus souvent jouer le rôle de soignantes, ce qui pourrait également avoir eu une incidence sur leur obligation de s’occuper des autres membres de la famille, ou encore de parents ou de parents plus âgés.
En définitive, au moment de la retraite, les femmes ont accumulé moins de temps de travail et de revenus durant leur vie active, et leurs retraites sont moins élevées. En fait, ce phénomène peut être observé partout à travers le monde. Il en résulte donc que les femmes jouissent d’une retraite qui est moins élevée de l’ordre de plus du quart que celle dont jouissent les hommes. Il n’y a donc certainement pas de quoi se réjouir de ce fait. Cependant, lorsqu’on s’interroge sur l’incidence qu’a cette réalité par la suite, parce que nous savons également que les femmes ont tendance à vivre plus longtemps que les hommes, on en vient à conclure qu’en vérité les femmes vivent plus longtemps avec des moyens moins importants.
Mais ces considérations ont par la suite une incidence sur la santé à laquelle nous ne pensons pas forcément. Peut-être prendra-t-elle la forme, par exemple, de priver la personne en cause de la capacité de s’offrir le type de nourriture qu’elle aurait préféré, compte tenu de sa santé, ou peut-être ne sera-t-elle plus en mesure de participer activement à des activités qui auraient pu être bénéfiques pour sa santé, mais pour lesquelles elle devrait encourir des coûts plus élevés. Peut-être aussi ces personnes pourraient-elles être tenues d’acquitter des frais pour des traitements qui ne sont pas même couverts par les régimes actuellement disponibles, par exemple dans les pays où l’on subvient aux besoins des personnes âgées.
Des choses comme, par exemple, les prothèses auditives peuvent coûter très cher. Et si vous n’en avez pas et si vous n’entendez pas correctement, cela a une incidence sur votre capacité à participer à des conversations. Cette réalité conduit à l’isolement, ce qui provoque d’autres problèmes. Ces considérations qui sont liées aux différences propres au sexe et cette idée qui tient à la façon dont se manifeste peut-être l’âgisme genré sont véritablement très importantes, non seulement sur le plan de l’état dans lequel se retrouvent les personnes concernées, mais également dans la mesure où leur santé en subit les conséquences directes. Ainsi donc, on ne saurait insister suffisamment sur l’importance de ces considérations.
Et comme vous l’avez dit plus tôt, il ne s’agit pas simplement là de considérations dont seules les personnes qui se considèrent peut-être actuellement comme des Canadiens âgés doivent se soucier. Les femmes, peu importe l’étape de leur carrière, doivent prendre conscience des choix qu’elles font et que font leurs familles dès aujourd’hui ainsi que de l’impact que ces choix pourraient avoir dans leur avenir à plus long terme. Il y a donc une multitude de paramètres à prendre en compte.
Eh bien, cela me semble tout à fait vrai, et je pense que l’on ne réfléchit pas nécessairement à ce genre de choses. Les gens ne pensent pas forcément à leur avenir. Et, pour dire vrai, il me semble qu’il s’agit là également d’aspects sur lesquels doivent se pencher les employeurs, mais chacun d’entre nous n’a pas forcément pour habitude de penser au fait que nous serons vieux un jour. Cependant, si tout devait bien se dérouler, chacun d’entre nous pourrait vivre longtemps et connaître une vie de qualité, de telle sorte que nous devons être en mesure de penser à cette question.
Exactement. Au tout début de votre présentation, j’ai indiqué que votre Women’s Age Lab est intégré au Women’s College Hospital à Toronto, mais qu’en vérité vous vous êtes fixé pour objectif de faire en sorte que vos activités aient une portée mondiale. Par ailleurs, l’Organisation des Nations Unies a reconnu la Décennie pour le vieillissement en bonne santé au niveau mondial. Les enjeux sur lesquels vous vous penchez, vous et le Women’s Age Lab, sont-ils applicables à travers le monde ou sont-ils propres au Canada ?
Non, il s’agit d’enjeux d’ordre universel. Il s’agit d’enjeux dont nous devons tous nous préoccuper. Ainsi, à titre d’exemple, comme vous venez de l’indiquer, la décennie actuelle, soit celle de 2021 à 2030, est celle du vieillissement en bonne santé, ce qui constitue une initiative louable. En effet, à travers le monde, certains réfléchissent à l’importance du vieillissement et à la façon dont nous pouvons promouvoir la santé et le bien-être en vieillissant. Voilà une question essentielle. Est également actuellement en cours une initiative qui vise à intervenir à l’égard de l’âgisme. En effet, la question de l’âgisme se pose au niveau mondial puisque cette réalité a une incidence sur chacun d’entre nous, quel que soit notre âge, mais bien évidemment plus particulièrement sur les personnes âgées… et j’ajouterais pour ma part qu’elle touche surtout les femmes du monde entier. Peut-être les circonstances particulières sont-elles différentes, mais nous observons des réalités tout à fait similaires.
Est aussi en cours une initiative portant sur les médicaments sans les méfaits qui s’intéresse plus spécifiquement à certains des enjeux qui entourent la façon d’optimiser la manière dont nous prescrivons des médicaments aux personnes âgées. Et encore une fois, je ferais valoir qu’il convient de mettre encore plus l’accent sur les aspects dont nous devons tenir compte plus spécifiquement en ce qui concerne les femmes qui pourraient être confrontées à des problèmes ou à des troubles particuliers. Mais cette initiative recueille de l’intérêt au niveau international. Et je sais que, du point de vue de notre propre programme de recherche, nous collaborons avec des intervenants de différents pays qui sont confrontés aux mêmes types de problèmes. Comme je l’ai souligné, peut-être leurs circonstances particulières sont-elles différentes, mais les problèmes ou les enjeux sont fréquemment de nature très similaire.
Vous avez récemment publié votre rapport d’impact et célébré votre premier anniversaire. Permettez-moi de vous féliciter pour ce premier anniversaire.
Merci.
Auriez-vous la bonté de nous faire part d’un ou de plusieurs faits saillants tirés de la première année d’activité du Women’s Age Lab et dont vous pensez que nos auditeurs devraient les connaître ou qui pourraient les intéresser ?
Eh bien, je pense qu’en premier lieu, il convient de souligner combien il est excitant d’avoir en fait entrepris nos activités. Et comme vous l’avez dit, pour autant que nous le sachions, peut-être un aspect intéressant et qui me semble un peu choquant tient au fait que nous sommes le premier centre de recherche qui met spécifiquement l’accent exclusivement sur les femmes âgées. Nous avons repris cette affirmation dans une foule d’endroits et personne ne l’a véritablement remise en question… Sans compter le fait que jamais n’avons-nous découvert d’autres établissements qui adoptent le même axe de recherche. Je pense qu’il s’agit là d’un aspect qu’il convient véritablement de souligner. Il s’agit indiscutablement d’un thème sur lequel il y avait depuis fort longtemps lieu de se pencher et nous sommes absolument ravis d’agir en ce sens.
De tous les accomplissements qui ont été les nôtres au cours de la dernière année, qui a représenté en quelque sorte une forme de tourbillon puisque nous avons accompli énormément de choses, je retiens le fait qu’un si grand nombre de personnes se soient manifestées en nous demandant comment elles pouvaient nous aider, comment elles pouvaient se mobiliser et ce qu’elles pouvaient faire. À titre d’exemple, hier à peine j’étais au téléphone et je participais à une rencontre Zoom avec une multitude de gens différents de secteurs distincts qui se sont souvent manifestés pour me demander comment ils pouvaient nous aider et comment nous pouvions travailler ensemble. Ces enjeux importent tant. Cet aspect est donc vraiment intéressant.
Mais l’un des projets qui me passionne beaucoup et que nous sommes sur le point de lancer consiste à réinventer le vieillissement là où l’on se trouve. Comme je l’ai dit plus tôt, nous disons fréquemment que, lorsque nous vieillissons, nous pensons souvent à la fragilité et aux personnes qui ont besoin de soins. Cependant, il convient de se rappeler que la vaste majorité des gens vivent dans leur propre domicile, cette proportion étant de plus de 93 pour cent. Non seulement vivent-ils chez eux, mais ils vivent bien et ils ne veulent pas quitter leur domicile. De telle sorte que nous nous intéressons vivement à la façon dont nous pouvons contribuer à aider toutes ces personnes à demeurer là où elles se trouvent, c’est-à-dire dans leur domicile.
Nous nous intéressons également aux collectivités de retraités qui prennent naturellement forme, lesquelles constituent en fait des immeubles d’habitation ou des immeubles en copropriété où vivent énormément de gens. Et notamment aux collectivités dans lesquelles au moins 30 pour cent des résidents sont des personnes âgées, qui sont fréquemment des femmes. Et ces milieux présentent des caractéristiques qui pourraient permettre d’améliorer leur capacité d’y demeurer. Comme chacun le sait, certains des problèmes auxquels sont confrontés les personnes âgées sont liés à la solitude et à l’absence de liens sociaux. Mais ces personnes vivent dans un immeuble où il y a beaucoup de monde. Comment donc pouvons-nous intervenir sur le plan du soutien et des ressources pour contribuer à faire en sorte que ces personnes puissent se retrouver et créer des liens qui, peut-être, ne sont pas toujours faciles à établir. Soyons franc. Il n’est pas toujours difficile [sic] de rencontrer des gens dans ce genre de circonstances.
Par ailleurs, comment peut-on inciter chacun à être plus actif ? Comment peut-on offrir des occasions de créer des groupes de marche ou des groupes s’intéressant aux activités que souhaitent embrasser les personnes vivant dans ces immeubles, l’objectif étant non seulement de leur permettre de se retrouver, mais également d’inciter à l’activité physique, laquelle est également bonne pour la santé. En plus d’encourager les gens à penser aux possibilités qui s’offrent à eux en vieillissant, question sur laquelle il importe de se pencher. Nous sommes donc ravis de travailler dans ce domaine et d’intervenir non seulement à Toronto, mais de collaborer également avec la ville de Barrie afin de déterminer, d’une certaine manière, comment nous pouvons obtenir de meilleurs résultats sur ce plan et comment nous pouvons aider d’autres villes à penser à la façon dont elles pourraient engager ce genre d’initiatives qui seraient extrêmement bénéfiques pour les nombreuses personnes âgées qui y vivent actuellement, tout particulièrement les femmes qui aimeraient trouver des façons de continuer à vivre pleinement leur vie.
Voilà qui représente un enjeu de taille. Et, comme vous le savez, nous sommes sur le point de devenir une société caractérisée par le supervieillissement, alors que, très bientôt, 20 pour cent de notre population sera âgée d’au moins 65 ans. Ce groupe a énormément à offrir et nous devons trouver des façons d’aider ces personnes à faire ce qu’elles souhaitent faire.
Et je suis sûre que, dans ces collectivités de retraités qui se forment naturellement, le travail que vous accomplissez continuera de croître à mesure qu’augmentent les besoins, non seulement, comme vous l’avez dit, à cause du nombre croissant de gens âgés de plus de 65 ans, mais aussi à cause des autres aspects que vous avez évoqués quant aux répercussions de réalités telles que l’isolement social et les répercussions en aval sur les soins de santé et d’autres aspects de ce genre. Il s’agit dans chacun de ces cas d’éléments absolument essentiels qui sont aussi étroitement liés et je suis absolument enthousiaste à l’égard du travail que vous accomplissez pour prendre acte de cette réalité de manière holistique. Permettez-moi donc de vous remercier, Dre Rochon, de vous être jointe à nous aujourd’hui pour parler de certaines de ces différences entre les sexes et des réalités qui concernent le vieillissement, le manque de recherche et le travail qui vise à prendre acte de ces différences et des raisons pour lesquelles toutes ces questions importent au-delà de la richesse.
Eh bien, à mon tour de vous remercier. Je suis absolument ravie d’avoir eu l’occasion de m’entretenir avec vous aujourd’hui. Merci.
Vous pouvez en apprendre plus sur la Dre Paula Rochon sur LinkedIn, en plus de vous familiariser avec le travail accompli par le Women’s Age Lab en consultant le site Web womensagelab.ca. Si vous avez aimé cet épisode et que vous souhaitez contribuer à appuyer notre balado, je vous invite à en faire part à d’autres personnes, à en parler sur les médias sociaux, ou encore à donner une note et à rédiger une critique. Mon nom est Leanne Kaufman et j’ai très hâte de vous retrouver lors de notre prochain balado. Merci de vous être joints à nous.
Orateur final:
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