29 octobre 2024 | Animée par Leanne Kaufman
Apprenez-en plus sur le lien qui existe entre la solitude et les maladies chroniques chez les personnes âgées.
« … il peut être très difficile pour certaines personnes de dire et d’admettre qu’elles éprouvent un sentiment de solitude. La solitude est un phénomène qui suscite toujours une certaine stigmatisation. Cependant, je dois dire à ce sujet que la solitude est une émotion très courante. Il arrive fréquemment que les conditions ayant déclenché un tel sentiment échappent au contrôle individuel des personnes concernées. Je pense que nous devons commencer à nous intéresser à cette question sous un angle différent. »
Leanne Kaufman :
Je suis de plus en plus fascinée par la corrélation qui existe entre la santé sociale, mentale et physique. Peut-être n’y a-t-il d’illustration plus juste de cette interdépendance que l’épidémie croissante de solitude qui se propage rapidement au Canada, alors que plus d’un tiers (en anglais) des Canadiens âgés affirment se sentir seuls, à tout le moins parfois.
Selon un récent rapport du Women’s Age Lab du Women’s College Hospital, la solitude augmente le risque de nombreuses maladies chroniques graves ainsi que de décès prématurés, en plus d’imposer une forte pression sur les systèmes sociaux et de santé. Alors que d’autres régions du monde ont entrepris de prendre des mesures pour lutter contre la solitude de manière utile, au Canada nous prenons du retard.
Bonjour, mon nom est Leanne Kaufman. Je vous souhaite la bienvenue au balado Au-delà de la richesse de RBC Gestion de patrimoine – Canada. J’ai le plaisir d’être accompagnée aujourd’hui de la Dre Rachel Savage, scientifique au Women’s Age Lab du Women’s College Hospital de Toronto, qui est d’ailleurs l’un des partenaires de RBC Gestion de patrimoine. Parmi les nombreux autres domaines professionnels auxquels elle s’intéresse, la Dre Savage dirige des travaux de recherche axés sur la promotion de l’établissement de liens sociaux chez les personnes âgées et le soutien au vieillissement à domicile.
Rachel, permettez-moi de vous remercier de vous joindre à moi aujourd’hui pour discuter de l’épidémie de solitude à laquelle est confronté le Canada, en soulignant pourquoi cette question importe au-delà de la richesse.
Rachel Savage :
Merci beaucoup de m’avoir invitée.
Pourriez-vous nous donner un aperçu de ce que nous voulons dire précisément lorsque nous parlons d’une épidémie de solitude qui sévirait parmi les Canadiens d’un certain âge ? Dans quelle mesure ce problème est-il répandu et quels sont, selon vous, certains des principaux facteurs qui y contribuent ?
Eh bien, lorsqu’on utilise le qualificatif d’épidémie pour désigner un phénomène, on entend décrire par là une situation qui est plus fréquente ou plus marquée que l’on pourrait s’y attendre. Dans le cas précis de la solitude, la situation est un peu délicate, dans la mesure où nous venons à peine d’entreprendre de mesurer cet aspect au Canada au niveau de la population. Cependant, de nouvelles données tirées de l’Enquête sociale canadienne montrent que près de la moitié des personnes âgées déclarent se sentir parfois seules en 2024, alors que 10 pour cent des personnes sondées déclarent se sentir toujours ou souvent seules. De tels résultats semblent indiscutablement être supérieurs à ceux auxquels on s’attendrait.
Il s’agit en fait d’un problème de santé publique majeur car nous savons pertinemment que cette réalité a des effets très importants sur notre santé et notre bien-être. Nous disposons désormais d’éléments probants tout à fait valables qui illustrent ces effets, et cette situation a mené à la publication de nombreux avis de la part de divers intervenants, au rang desquels figurent le Directeur du Service de santé publique des États-Unis, de même que l’Organisation mondiale de la santé, qui estime que la solitude constitue une priorité mondiale en matière de santé publique.
On observe une multitude de phénomènes à différents niveaux. Au niveau individuel, la solitude est souvent le produit de transitions clés que nous connaissons au cours de notre existence. Dans le cas des personnes âgées, parmi ces transitions clés figurent :
Qui nous sommes et dans quelle mesure nous sommes acceptés par la société dans son ensemble en fonction de notre identité comptent également. De sorte que la solitude est un phénomène qui touche plus fréquemment les immigrants, les femmes, les minorités sexuelles et de genre, ainsi que les personnes handicapées.
Par ailleurs, à un niveau plus sociétal, se produisent en même temps une foule de phénomènes différents qui créent ce qui pourrait constituer en quelque sorte les conditions idéales pour que la solitude puisse se déployer :
De sorte que, considérés dans leur globalité, tous les phénomènes de cette nature se combinent pour, me semble-t-il, créer un monde où les gens se sentent plus isolés.
Eh bien, il me semble que l’aspect positif tient au fait que nous commençons à discuter de cette question, comme c’est le cas ici. Mais ce qui est intéressant est que toutes les personnes qui vivent seules ne se sentent pas pour autant seules. Et, à l’inverse, toutes les personnes qui éprouvent un sentiment de solitude ne vivent pas forcément seules. Comment donc pouvons-nous reconnaître certains des signes de solitude chez les personnes d’un certain âge qui nous entourent, notamment lorsque nous savons pertinemment qu’il s’agit là probablement d’un sentiment que peu de personnes seraient prêtes à admettre sans qu’elles soient invitées à se prononcer à ce sujet.
Oui, il me semble qu’il s’agit là d’une excellente question. Même si la solitude est un sentiment, elle peut néanmoins indiscutablement produire et déclencher des symptômes physiques et avoir une incidence sur nos comportements et sur les choix que nous faisons. Plusieurs signes et symptômes de la solitude se recoupent avec ceux que l’on associe à la dépression et à l’anxiété.
Très bien. Peut-être pourrions-nous parler maintenant de quelques solutions. Quelles sont certaines des interventions ou certains des traitements, si l’on peut dire, qui se sont révélés prometteurs pour lutter contre la solitude chez nos personnes d’un certain âge, et y a-t-il, de votre point de vue, quelque chose qui s’est avérée particulièrement efficace à cet égard ?
Je pense qu’un autre aspect extrêmement positif tient au fait que nous pouvons agir sur le plan de la solitude. En effet, cet état de fait est modifiable et il est donc possible d’inverser cette tendance à la hausse. Je pense qu’il y a un certain nombre de gestes que nous pouvons poser au niveau individuel.
Le premier consiste à sensibiliser davantage la population à ce problème, ce que nous faisons aujourd’hui, vous et moi, l’objectif étant véritablement d’aider les personnes concernées à prendre conscience de leur situation et de partager leurs sentiments avec une personne en qui elles ont confiance. Demander de l’aide est le premier geste qui doit être posé pour intervenir à l’égard de tout problème.
Une autre chose dont nous ne manquons jamais de parler tient à la nécessité de prendre soin de soi. Il faut donc se reposer suffisamment, faire de l’exercice et faire des choses qui nous font du bien, tous ces aspects étant extrêmement importants pour améliorer notre santé physique et émotionnelle.
Adhérer à des organisations communautaires et faire du bénévolat constituent des moyens très efficaces de tisser des liens avec d’autres personnes qui partagent les mêmes idées, tout en contribuant à nous donner l’impression que nous sommes utiles à quelque chose.
Il convient également d’accorder la priorité aux relations. Je pense que plusieurs d’entre nous aujourd’hui se retrouvent pris dans le tourbillon de nos activités professionnelles, alors que nous avons un million de choses à faire et qu’il arrive donc que se retrouve au bas de notre liste des priorités l’activité qui consiste à répondre à un courriel, à rappeler un vieil ami ou à envisager prioritairement de rencontrer quelqu’un, alors qu’en fait toutes ces choses sont extrêmement importantes.
Par ailleurs, il me semble que nous avons un peu plus de difficulté à déterminer ce qui fonctionne de manière utile au niveau communautaire. De nombreuses recherches ont été menées sur des interventions qui ont montré des effets tout à fait contrastés, bien que certains d’entre elles semblent prometteuses.
La première tient à la prescription sociale, soit aux situations où un patient est mis en rapport avec des services de soutien non cliniques au sein de leur communauté. Ainsi donc, plutôt que de vous voir délivrer une ordonnance de médicaments, vous obtenez une ordonnance vous enjoignant à aller dans un parc ou à participer à un événement communautaire ou à un cours quelconque. Ces programmes sont généralement mis en œuvre au niveau des soins primaires par l’intermédiaire d’un agent de liaison, qui se charge d’identifier les besoins sociaux des personnes avant de les orienter vers des services de soutien dans leur communauté locale. Voilà donc une forme d’intervention.
Une autre solution qui, selon moi, est réellement prometteuse consiste à réfléchir à la façon dont nous pourrions améliorer nos communautés et renforcer les liens qui existent au niveau local, là où nous vivons. Nous nous sommes déjà entretenus du sujet des collectivités de retraite formées naturellement, et il s’agit d’une situation dans laquelle un grand nombre de personnes âgées vivent regroupées à un même endroit, parfois dans des tours d’habitation. Ainsi donc, si se retrouvent ensemble plusieurs personnes qui ont les mêmes préoccupations, qui vivent les mêmes transitions de l’existence, la question consiste à se demander comment nous pouvons mettre en place des mécanismes de soutien et offrir des services aux personnes qui vivent toutes au même endroit pour contribuer à renforcer les liens dans cet immeuble et à combler leurs besoins sur les plans social et de la santé.
Voilà me semble-t-il deux avenues très prometteuses.
Eh bien, nous sommes très enthousiasmés par les collectivités de retraite formées naturellement, et ce qui me semble être certains des avantages qu’elles sont susceptibles de procurer, notamment sur le plan de la lutte contre la solitude.
Qu’en est-il de ceux d’entre nous qui sont à l’écoute et qui sont en contact avec des personnes d’un certain âge et qui pourraient s’inquiéter de leur risque de solitude ou qui voudraient s’assurer de les aider à prévenir une telle situation, si nous sommes d’avis qu’il s’agirait là d’un problème qui pourrait se poser à l’avenir ? Avez-vous des conseils pratiques pour nous à titre d’amis, de parents ou de membres de la société sur la façon d’aider nos parents et nos voisins ?
Eh bien, vous avez dit plus tôt qu’il peut être très difficile pour certaines personnes de dire et d’admettre qu’elles éprouvent un sentiment de solitude. La solitude est un phénomène qui suscite toujours une certaine stigmatisation. Cependant, je dois dire à ce sujet que la solitude est une émotion très courante. Il arrive fréquemment que les conditions ayant déclenché un tel sentiment échappent au contrôle individuel des personnes concernées. Je pense que nous devons commencer à nous intéresser à cette question sous un angle différent. Certains chercheurs se sont intéressés à la solitude comme tenant plus d’un processus d’adaptation biologique, alors que, par analogie, lorsque nous avons soif, nous buvons un verre d’eau. Lorsque nous nous sentons seul, c’est un peu comme si notre corps nous disait que nous devons nous mettre en rapport avec d’autres personnes pour notre propre bien-être.
Je dirais donc qu’il importe tout simplement de dire aux personnes concernées que nous nous soucions d’elles et de prendre régulièrement de leurs nouvelles. Je pense que cela nous aide vraiment à identifier les personnes qui pourraient se sentir seules et créer un espace sûr pour permettre à celles qui le souhaitent de faire part de leurs émotions. Je pense que, lorsque nous prenons conscience auprès de parents ou d’amis du fait qu’il se pourrait que ces personnes se sentent seules, il est très important de leur offrir de leur venir en aide lorsque nous le pouvons pour, par exemple, les aider à trouver un groupe de gens ayant des intérêts communs, une possibilité de bénévolat, sans compter le simple fait de leur faire comprendre qu’elles peuvent toujours compter sur vous.
Qu’en est-il au niveau sociétal ? Au-delà de certaines des choses dont vous avez déjà parlé, y a-t-il des gestes que nous devrions poser, selon vous, en tant que société pour mieux soutenir les personnes âgées et vraiment minimiser la solitude ?
Oui, absolument. Je pense que l’une des premières choses que nous devons faire consiste à envisager la question de la solitude non tant comme un problème individuel, mais plutôt comme une question sur laquelle nous devons nous pencher collectivement en tant que société. Encore une fois, cela tient au fait que toutes les causes de la solitude ne sont pas spécifiques à une personne donnée. L’endroit où nous vivons constitue un facteur distinctif important. Si nous vivons dans des communautés accessibles à pied, qui offrent un accès à des parcs, qui procurent un sentiment de sécurité, qui sont reliées aux transports en commun, qui sont pourvues de commodités, tout cela fait également une grande différence.
Je pense que l’une des choses que nous avons faites au Women’s Age Lab consiste à rassembler une multitude d’organisations différentes, à des niveaux différents, travaillant dans des secteurs distincts, pour engager des discussions sur la question de la solitude et des moyens par lesquels nous pouvons intervenir à son égard en travaillant de concert, en étant pleinement conscients, encore une fois, du fait que les solutions ne se limitent pas à un secteur en particulier. Nous avons donc formé des liens de collaboration intersectoriels sur le thème de la solitude, en plus de rédiger un document d’orientation qui présente quatre recommandations clés à l’intention du gouvernement fédéral dans le but d’améliorer la situation sur le plan des liens sociaux au Canada.
Il importe tout d’abord de se doter d’une stratégie nationale. De multiples autres régions du monde se sont dotées de plans exhaustifs, et la solitude y figure à l’ordre du jour. Au Canada, nous n’avons pas accordé la même priorité à cette question de telle sorte qu’il me semble qu’il s’agit là de l’une des toutes premières étapes.
Nous avons parlé de la nécessité de souligner l’importance des liens sociaux auprès de la population. Cela implique de sensibiliser, de lutter contre la stigmatisation et d’aider les personnes concernées à savoir où elles peuvent accéder à des mesures de soutien lorsqu’elles en ont besoin.
Je pense que nous commençons à bien faire les choses, s’agissant de mesurer la solitude et d’approfondir nos connaissances par la recherche. Cependant, nous avons encore fort à faire étant donné que nous venons dans une certaine mesure de commencer à nous intéresser à ces questions.
Je pense par ailleurs que la dernière recommandation importante concerne l’investissement dans les infrastructures sociales. Nous disposons donc de ces endroits, comme des collectivités de retraite formées naturellement. Nombreuses sont les organisations communautaires qui offrent des programmes et des services qui renforcent les liens sociaux, comme des programmes de mentorat intergénérationnels. Comment pouvons-nous donc investir et les développer pour contribuer à rassembler les gens au sein de leur communauté ?
Il y a tant de travail formidable en voie de réalisation, et nous sommes absolument ravis d’être associés à vous, au Women’s Age Lab, pour contribuer à appuyer cette entreprise, puisqu’il me semble qu’il s’agit d’un sujet dont on ne parle pas suffisamment.
Rachel, dans le temps qu’il nous reste, si vous deviez espérer que les personnes qui nous écoutent ne retiennent qu’une seule chose de notre entretien, de quoi s’agirait-il ?
Eh bien, je dirais qu’il arrive à chacun d’entre nous de se sentir seul de temps en temps. Cependant, si nous commençons à éprouver un tel sentiment en permanence, il est indiqué de se mettre en rapport avec quelqu’un en qui l’on a confiance et de partager les sentiments que l’on ressent, en plus d’obtenir de l’aide pour créer ces liens significatifs qui importent tant pour notre existence.
Encore une fois, il est important de prendre des nouvelles des personnes qui nous sont chères et de leur faire savoir que nous sommes là pour elles. Il y a lieu de se comporter en bon voisin et d’entretenir des liens avec sa communauté, en plus de s’interroger sur la façon dont nous pouvons renforcer ces liens sociaux.
Voilà d’excellents conseils. Merci beaucoup, Rachel, de vous être jointe à moi aujourd’hui pour nous aider à mieux comprendre certains des signes, des conséquences et, espérons-le, certaines des solutions qui s’offrent à cette épidémie de solitude, en soulignant en quoi cette question importe au-delà de la richesse.
Vous pouvez en apprendre plus sur la Dre Rachel Savage sur le site womensacademics.ca (en anglais). Si vous avez aimé cet épisode et si vous souhaitez contribuer à appuyer notre balado, je vous invite à en faire part à d’autres personnes, à en parler sur les médias sociaux, ou encore à donner une note et à rédiger une critique.
Mon nom est Leanne Kaufman et j’ai très hâte de vous retrouver lors de notre prochain balado. Merci d’avoir été des nôtres.
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Généralement, la recherche en santé, les soins de santé et les politiques publiques au Canada ne tiennent pas compte des réalités du vieillissement propres aux genres et des répercussions sur les femmes. Le Women’s Age Lab souhaite remédier à la situation.
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